lundi 31 août 2015

Top août 2015

Ça y est, c’est la rentrée...
Par bonheur, le mois d’août a été agréablement chargé en matière de lectures; j’ai donc quelques préconisations à vous faire, si vous êtes en panne d’idées, et si la bousculade sur les présentoirs de la Fnac combinée à la stratégie marketing de l’usure menée par Amazon qui vous sature de mails vous laisse indécis.

Pour une critique exhaustive, vous pouvez vous reporter aux ”points lecture” que je me suis décarcassée à faire par amour de l’art et de vous.

Voici le top du mois!

Même avec du recul, penser au livre de Camille Auseaume me fait l’effet d’une vague de douceur et de thé au jasmin (un pléonasme, pardon). Elle ne regrette pas, moi non plus!




Là c’est l’inverse, c’est l’effet bonbon acide du type ”tête brûlée” (ça existe encore?...) qui vous fait vous étouffer et cracher partout à chaque fois. Et comme pour les têtes brûlées, de manière incompréhensible, on en redemande quand même. C’est addictif, de regarder la réalité en face.




Encore frais dans ma tête, mais je pense qu’avec le temps je considérerai que le Viguier arrive avant. Envoyez vos préjugés au placard, les héros antiques débarquent et sont plus fringants et modernes que jamais!




Retour à l’adolescence, avec toutes ses ambivalences et ses émotions multiples difficiles à décrypter. Aristote et Dante ne découvrent peut-être pas les secrets de l’univers, mais ils découvrent de quelle étoffe ils sont faits, avec tout ce que cela engendre de rejet et d’acceptation.




Une perle de la rentrée littéraire : les derniers jours de Khadafi depuis ses propres yeux. Qui peut résister à se mettre, l’espace d’une heure, dans la peau d’un tyran? Avec la prose envoûtante de Khadra, par-dessus le marché!





Flop :
Il y en a un à déplorer: Look, qui m’a laissée aussi indifférente que lorsque j’ai appris qu’il y avait eu en 1911 en France une recrudescence de diarrhées mortelles frappant les nourrissons.
J’exagère.
J’ai placé cette information cruciale dans plusieurs dissertations d’histoire, à l’époque (je vous laisse imaginer combien elle a fait mouche).
Alors que Look, je n’en parlerai plus.


Classique au Vert, ou chronique d'un désastre social annoncé

Le week-end a été radieux, une surprise fortuite qui m'a convaincue de sortir de ma léthargie estivale et de me remettre dans le bain culturel en prévision de la rentrée, août étant toujours un mois un peu creux pour moi.

Donc, hier après-midi, direction le Parc Floral pour le festival Classique au vert!
L'occasion de se prélasser dans le cadre verdoyant et rassérénant de mon parc préféré, en combinant deux passions et deux mal-aimés : la lecture et la musique, Beethoven et Houellebecq (sur ce dernier sujet, vous en saurez plus dans un prochain post).

J'ai sans doute fait montre de naïveté.
Un parc parisien par un dimanche après-midi n'est PAS un cadre propice.
Il y a pour cela un obstacle majeur : les FAMILLES.
Et oui, c'est l'endroit de prédilection de toute la marmaille de Paris et de ses environs, et c'est abominable. Etant issue moi-même d'une famille nombreuse, je considère que j'ai le droit suprême de dire de la famille tout le mal qu'il me plaît, parce que j'ai suffisamment souffert des affres de cette forme usante et débilitante de vie sociale imposée.
J'ai donc rapidement réalisé combien prodigieusement je m'étais fourvoyée.


De près, je jure que c'est encore plus terrifiant

J'ai quand même fini par me trouver un coin d'herbe en plein soleil (il m'aurait fallu au moins un taser pour accéder à un coin d'ombre) pour bouquiner sur fond du concerto pour piano et orchestre n°3 en ut mineur de l'ami Ludwig, régulièrement entrecoupé des hurlements hystériques de vous-savez-qui (non, pas Voldemort, j'aurais préféré) et des crissements non moins sympathiques des poussettes sur le gravier.

Toute une expérience.

En rentrant, je me suis donc réjouie de ma solitude absolue (comprendre : mon célibat), et en ai profité pour faire bombance à coups de tasses de thé chaud et glacé alternées (quelle audace), et de pain de mie sans croûte. Voilà le vrai délassement.

Le bonheur

Pour finir, dès septembre, je me remets aux sorties culturelles qui ont déserté mon été, avec en perspective :

De quoi s'occuper tout l'automne!


Bonne reprise à tous!

dimanche 30 août 2015

Barbe Bleue, Amélie Nothomb

Vous l'avez compris, j'ai décidé de me plonger petit à petit dans l'oeuvre d'Amélie Nothomb qui m'a ravie avec Ni d'Eve ni d'Adam, Stupeur et Tremblements, et le Sabotage amoureux.

Et pour cette nouvelle lecture, j'ai jeté mon dévolu sur un conte revu et corrigé à la sauce Nothomb : Barbe bleue.

(Je vous laisse admirer en prime le magnifique thé Whittard 
que Nombre Premier m'a ramené de Londres <3 <3 <3 )

Le synopsis

Saturnine, une jeune femme belge qui réalise un remplacement en tant qu'enseignante à l'Ecole du Louvre, cherche une colocation à Paris. Lorsqu'elle tombe sur une annonce particulièrement alléchante, elle croit à une embrouille, mais se rend au rendez-vous. Une salle d'attente remplie de candidates lui ouvre ses portes. Elle apprend que les huit précédentes colocataires ont toutes disparu, si bien que le maître des lieux suscite chez la plupart des femmes venues visiter l'appartement, la plus grande curiosité.
Pourtant, c'est à elle qu'il attribue la chambre.
Débute une cohabitation étrange avec cet aristocrate espagnol qui dit n'avoir pas quitté son appartement depuis vingt ans, et au comportement insolite.

Mon avis

Les dialogues m'ont fait beaucoup rire. L'humour propre à Nothomb est toujours aussi acéré, on ne s'ennuie jamais avec elle. L'histoire est gentillette, l'interprétation du conte sans doute un peu légère, mais il est difficile de lui en vouloir : elle ne se moque pas de nous, le dénouement final est intéressant, et l'on s'esclaffe de rire en lisant.
Du Nothomb, sans grande surprise, mais toujours aussi plaisant.

Pour vous si :
  • Barbe-bleue vous faisait un peu peur, enfant. Il est remarquablement moins effrayant, dans la peau d'un quarantenaire un peu sinistre qui répète "je vous aime" à tout bout de champ et ne sait pas mentir.
  • Vous avez éprouvé l'enfer des visites d'appartement à Paris (ou ailleurs), et vous avez vous aussi fantasmé sur l'affaire en or, cet appart en plein centre avec des pièces de partout et un loyer dérisoire. Ca fait du bien de rêver, ou, à défaut, de constater que tout le monde connait la même expérience traumatisante dans ce domaine.
  • Les blagues d'Amélie sur Dieu vous semblent truculentes. Préparez-vous à les ramasser à la pelle.

Morceaux choisis :

"Quand les gens reviennent de voyage, ils disent : "Nous avons fait les chutes du Niagara". Il faut pour ces périples une naïveté que je n'ai pas. Voyez-vous, ces gens croient pour de vrai qu'ils ont fabriqué les chutes du Niagara."

"Les gens ne savent pas assez que le Christ était espagnol."

"_Quel narcissisme! Punir de mort le fait d'avoir vu vos photos!
_Je trouve beaucoup plus narcissique de montrer ses photos."

Note finale
3/5

(cool)

samedi 29 août 2015

Le géant enfoui, Kazuo Ishiguro

Ishiguro, vous connaissez?
Il a commis plusieurs romans qui m'ont tous époustouflée : Les vestiges du jour, Auprès de moi toujours (qui a donné lieu à une adaptation cinématographique qui est une daubasse comme j'en ai rarement vu, alors que le livre est génial) ou encore Un artiste du monde flottant.
Aussi, quand, en début d'année, j'ai appris la publication du Géant enfoui, j'en ai été toute émoustillée. Il a fini par faire son entrée dans ma bibliothèque.


Projecteurs.

Le synopsis

Ishiguro change de registre avec cette nouvelle oeuvre, puisqu'il se situe peu ou proue à l'époque qui a vu naître la légende arthurienne.
Axl et Béatrice forment un vieux couple aussi fatigué qu'amoureux. Un beau jour, ils décident de quitter leur foyer pour visiter leur fils dans un village voisin. Le trajet se transforme en épopée, et ils croisent sur leur route un saxon nourrissant une haine terrible pour les bretons qui l'ont malmené toute sa vie, un enfant mordu par une bête maudite qui inquiète la population, Gauvain, le fidèle chevalier répondant aux ordres d'Arthur, et la dragonne Querig, que certains veulent tuer et d'autres protéger, et qui fait régner sur la contrée des brumes qui dissipent leurs souvenirs.

Mon avis

Je ne m'attendais pas du tout à ce récit.
Ishiguro est plein de ressources, et assurément il excelle dans un grand nombre de registres variés. Pour autant, je ne me remets pas de l'effet de surprise, et je n'ai pas apprécié Le Géant enfoui comme ses précédentes œuvres, qui m'avaient beaucoup marquée.
Il y a bien sûr la poésie et la finesse qui caractérisent la prose d'Ishiguro, beaucoup d'imagination et des thèmes intéressants, mais cela reste un roman qui ressemble aux écrits relatant les exploits des chevaliers.
Je ne comprends pas vraiment, en réalité, pourquoi l'auteur a livré ce roman, qui n'a pas la profondeur et le cachet des autres.
Je connaissais à Ishiguro un talent de conteur incroyable que je n'ai pas retrouvé ici, alors que le cadre semblait s'y prêter.
Je le préfère donc dans les récits plus modernes, où il nous emporte au moyen d'anecdotes et non d'un grand périple.

Pour vous si...
  • Le langage de rue vous saoule, et vous aimeriez plus de distinction dans la vie quotidienne. Le géant enfoui pourrait bien vous inspirer.
  • Depuis GoT, vous ne comprenez pas que la littérature ne se soit pas encore aperçue du potentiel fantastique des dragons, et que chaque nouveau livre qui sort n'en inclut pas un ou deux.
  • Pas trop pour vous en revanche si vous aimez bien Ishiguro. Je suis à deux doigts de penser qu'il a un lambin qui officie pour lui (comme ce compositeur asiatique il y a quelques années, quand on avait appris qu'il avait exploité toute sa vie un mec qui écrivait ses œuvres musicales et qu'il avait construit sa réputation et son succès là-dessus. Le culotté) et que le lambin en question a décidé de produire un truc chelou pour fragiliser la renommée de notre cher Kazuo. Malin, le lambin!
Morceaux choisis

"Lorsque mon heure viendra, aurai-je moi aussi le désir de voir la mer? Je pense que je me contenterai de la terre. Et je n'exigerai pas un lieu précis, mais il suffira qu'il se trouve dans ce pays, où Horace et moi avons passé des années à nous promener avec bonheur". (Horace est le gentil canasson).

"Il se souvint d'une phrase que lui avait dite le guerrier : quand il était trop tard pour porter secours, il était encore assez tôt pour se venger."

"Je me demandais, princesse. Est-ce que notre amour serait devenu aussi fort avec les années si la brume ne nous avait pas volé nos souvenirs? Peut-être a-t-elle permis à d'anciennes blessures de se refermer."

Note finale
2/5

(pas mal)

7, Tristan Garcia

7 ne figurait initialement pas dans ma wishlist de la rentrée littéraire. Il s’y est frayé un chemin sur une impulsion, quand je me suis retrouvée devant une interview de l’auteur postée sur la page Facebook de Gallimard.

Tristan Garcia parlait de ses sept romans qui n’en forment qu’un, des idées de départ de certains d’entre eux, et j’ai été complètement captivée parce qu’elles faisaient écho à des réflexions éphémères que j’avais déjà eues pour moi-même. Peut-être êtes-vous familier avec ce moment bizarre où vous réalisez que quelqu’un d’autre a eu avant, après ou en même temps que vous, des pensées dont vous auriez juré avoir le monopole. Il y a donc dans la nature des gens aux raisonnements aussi tordus que les vôtres : un constat à la fois réconfortant et vexant.


Le lendemain, j’étais donc en route pour une nouvelle acquisition à la formidable librairie Atout-Livre dans le 12e.






 Une stratégie marketing efficace, donc, bien joué Gallimard!

Le synopsis

7 est constitué de sept récits, les six premiers paraissant au demeurant indépendants, et le septième constituant en quelque sorte celui vers lequel les précédents convergent tous, et qui leur donne un sens.
Chaque récit se fait l’illustration d’une idée, d’une tentative.
Il y a Hélicéenne, cette nouvelle drogue qui fait fureur et permet de retrouver, sous son emprise, la personnalité que l’on avait à un moment antérieur de sa vie, laquelle se retrouve propulsée sans le savoir dans le corps actuel et vieilli : les précédentes ”versions” de soi découvrent alors celui que l’on est devenu, ce qui revient à confronter sa personne adulte à celui que l’on était à 20 ans par exemple, et à se soumettre à son jugement.
Il y a Sanguine, le plus beau des visages, qui découvre que sa beauté vient en contrepartie d’une laideur toute aussi extrême, et qu’elle n’est belle que parce qu’un autre humain souffre d’être laid dans les mêmes proportions.
Il y a la découverte d’un rouleau de bois ancien qui contient toutes les mélodies entêtantes appelées à être créées par les hommes au cours des siècles à venir, s’affranchissant des époques et des registres.
Et puis, enfin, le septième récit, qui lie les précédents entre eux d’une manière inattendue, et leur donne une profondeur supplémentaire.

Mon avis

Je dois reconnaître que je suis assez partagée sur 7.
Tout d’abord, je l’ai trouvé assez inégal : les trois premiers récits m’ont beaucoup plu, les trois suivants m’ont paru beaucoup plus ternes. Les idées qui fondent chaque chapitre sont assez audacieuses pour certaines, et c’est sans doute ce qui m’a le plus convaincue. 
L’écriture est intéressante, en revanche l’auteur a tendance à vouloir apporter des justifications techniques qui obstruent plus la lecture qu’elles ne lui donnent de la force, à mon sens.
Je trouve l’entreprise téméraire, et je la salue pour cela, car je pense fermement qu’il faut récompenser les textes qui se font porteurs d’un message et ont le cran de s’aventurer en dehors des sentiers battus, de prendre des risques (ça ne m’arrive malheureusement pas tous les quatre matins d’être confrontée à quelqu’un qui me fait sortir de ma zone de confort et qui propose quelque chose de novateur, d’inventif).
Pour autant, je me demande si l’auteur n’a pas été dépassé par l’envergure de l’idée et du projet, car si les débuts m’ont fait pressentir un olni en même temps qu’un chef d’oeuvre, cette impression s’est dissipée par la suite, lorsque sont venus des chapitres qui m’ont presque ennuyée. La fin permet de retrouver l’enthousiasme des débuts, et cette volonté d’atteindre une portée particulière qui dépasse la distraction gentillette.
Un sentiment global assez mitigé donc, j’ai l’impression d’être tombée sur un soufflé qui s’est dégonflé en route et n’a pas réussi à récupérer son allure turgescente qui m’avait émue dès les premiers instants (et je termine sur cette double métaphore raffinée).


Pour vous si...
  • Vous avez un côté radin, et vous aimez bien en avoir pour votre argent. Sept livres en un, c’est une affaire.
  • Vous n’aimez pas les auteurs qui vous sortent un truc du chapeau : vous ne croyez que ce que vous voyez, et à moins d’un raisonnement scientifique à l’appui, une proposition n’est rien de plus qu’une spéculation loufoque. Ne vous en faites pas, Tristan a tout prévu et ne nous épargne pas les détails de la formule chimique d’hélicéenne.
  • La littérature qui ressemble aux montagnes russes / à une boîte de chocolats, c’est votre came : un coup up, un coup down, on n’est jamais sûr de ce qui arrive ensuite, tout le fun est là.
Morceau choisi

"Rien ne m'a plus étonné au cours de cette aventure que de découvrir ceci : les hommes n'ont pas de désir plus profond que de soumettre celui qu'ils sont au jugement de celui qu'ils ont été. Peut-être est-ce la preuve qu'aucun d'entre eux ne croit vraiment à un dieu. Pour se sauver ou se condamner, ils ne font confiance qu'à leur passé. J'ai observé des dizaines d'hommes tout tremblants de pouvoir présenter le résultat de leur vie à l'appréciation souvent désinvolte de l'adolescent enfoui au fond d'eux et, presque immanquablement, le lycéen n'avait pour celui qu'il deviendrait que le mépris et le dégoût que partagent les jeunes personnes pour l'expérience, les compromissions et les échecs des adultes."


Note finale

3/5
(cool / intéressant)

vendredi 28 août 2015

Exploratrice de la rentrée littéraire 2015 : mes chroniques

Je vous en parlais dans ce post : grâce au site lecteurs.com, je suis devenue le temps d'un été exploratrice de la rentrée littéraire 2015, en vertu de quoi j'ai reçu quatre livres à chroniquer.


Voici mon retour sur ces quatre livres.

  • Otages intimes, de Jeanne Benameur

Otages intimes narre le retour d'Etienne, photographe de guerre, en France, après avoir été retenu en otage pendant plusieurs mois.
Le roman décrit sa lente reconstruction après cette épreuve, ainsi que celle de ses proches, profondément affectés par sa captivité et l'incertitude qui y était associée.

Dès les premières pages, le style nous happe, cette écriture hachée et précise qui n'hésite pas à s'affranchir des règles de ponctuation pour mieux restituer les émotions sur le vif. Le pendant réside dans le fait que, par moment, on peut penser que l'auteur s'écoute écrire : un sentiment de simulacre m'a traversée à la lecture de certains passages.
L'auteur parvient par ailleurs à créer une ambiance singulière : la détresse d'Etienne et des siens est palpable, et le récit peut même en être dérangeant.

Rapidement, on contourne Etienne pour découvrir ses proches, ceux qui l'ont attendu : sa mère, Irene, ses deux amis d'enfance, Enzo et Jofranka, et la femme qui l'a autrefois quitté, Emma. A travers leurs voix, l'auteur nous dit l'absence subie, l'impuissance de ceux qui restent et l'irréversibilité de son impact sur leurs vies.

Ainsi, la part d'otage de chacun est révélée, ainsi que la solitude qui les étreint tous intimement.

Il est à déplorer que les personnages sont principalement décrits par une vérité qui vient servir cette thèse, et qui tend à les rendre parfois simplistes : le personnage d'Enzo en serait presque inconsistant, par exemple.
Egalement, certains passages nourrissent peu le roman à mon sens, et tendent au contraire à le rendre inégal : le retour d'Etienne et ses ambivalences sont empreints de finesse, le personnage d'Irene est poignant, en revanche, il m'a semblé que le personnage d'Emma apporte peu à l'intrigue, tandis que celui de Jofranka aurait peut-être mérité davantage que ce qu'on lui accorde, tout comme celui d'Enzo.

En conclusion, ce roman offre une interprétation intéressante de l'absence de l'être aimé enlevé dans la violence, et de son difficile retour après l'irréparable, et l'on y trouve des moments de grâce (notamment sur la puissance de la musique, fil rouge déroulé en filigrane tout au long de l'intrigue).

Cependant, c'est aussi un récit qui peut nous laisser sur notre faim, et, à cet égard, qui ne s'acquitte qu'à demi de l'ambition fixée.  


  • Animarex, de Jean-François Kervéan


Animarex raconte l'idylle de jeunesse que Louis XIV a entretenue avec Marie Mancini, l'une des nièces du cardinal Mazarin. Le récit s'articule en trois parties : avant, avec, et sans Marie, et se détache des romans historiques "classiques" : le style, foisonnant et humoristique, l'en éloigne ostensiblement.

Ainsi, ce qui caractérise d'abord Animarex, c'est cette verve, cette énergie débordante de l'auteur qui ne se refuse rien : le lecteur est apostrophé, l'identité du narrateur est tenue secrète jusqu'à la dernière page, l'écrivain grimé en nègre est distingué du narrateur, et n'est là que pour exécuter sa volonté, les références se mélangent et se tissent à plusieurs siècles d'écart, la langue est riche et parfois crue; en un mot, il dépoussière la cour de Louis XIV et la déshabille de son austérité sans ambages.

Mais le récit dépasse également la truculence du style : en se consacrant à une période méconnue de la vie de Louis XIV, l'auteur nous donne à voir la confrontation de l'homme et du roi, l'inéluctable victoire du rôle sur les aspirations et les désirs de Louis. On se laisse prendre au jeu de l'amour adolescent, et la fin, brutale bien qu'attendue, nous rappelle à l'Histoire et à ce que l'âme du roi réclame d'intransigeance et, d'une certaine façon, d'abnégation.

Enfin, la connivence établie rapidement avec le lecteur rend le roman singulier : l'auteur a recours au procédé de la mise en abym, le nègre incarnant son propre rôle, et de la même manière que l'auteur est un personnage à part entière, le lecteur en est un également, auquel le narrateur n'hésite pas à s'adresser directement lorsqu'il lui sied.

Pour la lectrice néophyte que je suis en matière de romans historiques, ce roman m'a paru receler d'une bonne dose d'exotisme de par son originalité dans la combinaison d'un style très vivant et humoristique et d'un sujet grave, que j'ai davantage l'habitude de voir traité avec solennité. Ce qui en a fait, somme toute, une belle surprise! Avec le recul cependant, il me semble qu'il me restera davantage en mémoire pour son traitement atypique et son écriture que pour l'intrigue en elle-même.

Ma note : 3/5 (cool)

Voir tous les avis pour Animarex sur le site lecteurs.com. 
  • Ressources inhumaines, de Frédéric Viguier


Ressources inhumaines retrace le parcours d'une femme, depuis son entrée à 22 ans en tant que stagiaire dans un hypermarché, jusqu'à la fin de sa vie professionnelle dans le même établissement.
Le roman s'articule en deux parties relatant chacune une phase de ce parcours : l'ascension, suivie de la stagnation.

Dès l'incipit, la protagoniste nous est dépeinte sans complaisance : dans l'ensemble du roman, elle sera "elle", sans prénom pour l'identifier. Elle n'a ni passion ni ambition, aucune saillance qui la rendrait singulière ; elle est une jeune femme insignifiante, se décrivant elle-même comme une poche vide qu'il lui faut remplir.
Rapidement, on lui découvre une facilité à mentir et manipuler pour parvenir à ses fins, si bien que son personnage n'inspire aucune indulgence. Cependant, les manigances qui la font accéder prématurément au poste de chef de secteur ne s'avèrent pas suffisantes pour lui permettre de poursuivre sa progression. Vingt ans après ses débuts, elle assiste à l'arrivée d'un jeune homme différent, "lui", qui va la mettre en danger.

La langue est ici un véhicule qui, à l'image de l'univers exposé, vise à l'efficacité. Elle ne diminue pourtant en rien l'impression laissée : le récit est absorbant, et le style, simple et direct, ne dresse aucun frein à la lecture.
Ressources inhumaines pourrait se lire comme un fait divers ; à y regarder de plus près, il a pourtant tout d'un roman tragique : enlisée dans la défiance et la solitude, la protagoniste est condamnée, emprisonnée dans une geôle édifiée par ses soins d'où elle ne voit autour que calcul et malveillance, et dans son regard altéré, les meilleurs sentiments sont perçus comme factices, fallacieux. J'aurais pu ressentir pour elle une peine infinie, mais le roman s'attache à nous démontrer que, si le monde dans lequel elle évolue est pervers, elle s'est sciemment façonnée à son image.
L'auteur ne nous épargne rien, de la destruction méticuleuse de tout espoir, à l'ironie brûlante dans l'usage de la poche, dont l'emploi pour finir sera élucidé.

Il s'est agi pour moi d'un roman foudroyant et nocif.

Ma note : 4/5 (très bon)

Voir tous les avis pour Ressources inhumaines sur le site lecteurs.com. 

  • La dernière nuit du Raïs, Yasmina Khadra


La dernière nuit du Raïs retrace les dernières heures de Mouammar Khadafi présentées depuis ses propres yeux, puisqu'il incarne le narrateur, ce qui rend d'emblée l'exercice complexe et l'expérience de lecture singulière : peut-on éprouver la moindre proximité avec ce personnage? Peut-on au moins comprendre les mécanismes de pensée qui sont les siens?

Dès les premières pages, je me suis laissé aspirer par l'écriture toujours lumineuse de l'auteur qui nous plonge dans les anecdotes, les souvenirs, les réflexions et préoccupations du Raïs ainsi que ses relations avec son entourage proche.

L'homme derrière le masque du dictateur apparaît peu à peu : son portrait donne d'abord à voir un caractère implacable, impitoyable, et à mesure que l'homme est acculé, on ressent davantage la colère puis l'aigreur, l'incompréhension face à ce qu'il estime être l'ingratitude du peuple, car il ne se pose plus bientôt en bienfaiteur comme il le faisait initialement : il devient le père du peuple, il devient Dieu, et ce qu'il éprouve est avant tout une trahison, si bien qu'il n'exprime pas de regret y compris lorsque les rebelles le mettent face au mépris et à la haine qu'il leur inspire, si ce n'est de n'avoir été plus sévère avec ce peuple qui s'est détourné de lui. Confus, il l'est aussi bien sûr, obsédé par Van Gogh, désireux de s'en remettre à la Voix qu'il l'entend et qui lui dicte quoi faire.

A mesure que l'intrigue se déroule, il obtient peu à peu un éclairage quant à ce qu'il a « mal fait » : il réfute initialement avec hargne la vision qu'il soutire de son ordonnance (à savoir, que le frère Guide n'a rien fait de mal, et que le peuple cherche simplement à « tuer le père » à travers lui) au point de se montrer envers lui particulièrement cruel, mais tandis qu'il se retrouve acculé et désespéré, il écoute l'un de ses colonels qui lui présente la vision qu'il entérine : il a trop couvé le peuple et s'est montré trop généreux et trop bon pour lui. Ainsi, ce n'est pas simplement le peuple qui se soulève sans qu'il n'en soit en rien responsable, c'est un peuple qu'il aurait lui-même rendu « paresseux et malin » à force de penser pour lui, le conduisant à l'ingratitude, et donc à sa propre chute.  

Cette lecture est un voyage étrange, troublant et crédible, ce qui lui confère toute sa force : on est au pied du mur et l'on ne peut se contenter de déclarer que le tyran n'est rien de plus qu'un fou, ses raisonnements, bien qu'insidieux, sont solides (il réfute les noms dont on l'habille sans hésiter et étaye son déni : il n'est, selon ses termes, ni dictateur ni mégalomane) et regorgent de la colère que l'homme nourrit et qui le tient debout.
C'est un roman qui ne laisse assurément pas indifférent, et est à mon sens à l'image du reste de l’œuvre magistrale et courageuse de Khadra.  

Ma note : 5/5 (coup de cœur)

Voir tous les avis pour La dernière nuit du Raïs sur lecteurs.com.


Et voilà pour l'aventure des Explo-lecteurs!
Si vous rencontrez sur votre route l'un de ces romans et que votre avis diverge, je serais ravie d'en débattre, aussi n'hésitez pas à m'en faire part.

Bonne journée à tous!

jeudi 27 août 2015

Le Chant d'Achille, Madeline Miller

En ce moment, j’ai des idées d’Antiquité.

La diffusion de Troie il y a quelques jours à la TV y est sans doute pour quelque chose ; je me souviens de l’avoir vu au cinéma à 17 ans et de n’avoir jamais ressenti autant d’intérêt pour la Grèce antique (qui était pourtant un sujet auquel je m’intéressais), le torse de Brad Pitt et la majesté d’Eric Bana ayant certainement constitué des arguments à part entière.
Et puis, lors d’une virée Fnac impromptue, j’ai trouvé ça :



Première réaction hystérique, je ne m’en cache pas : je l’ai déjà dit, mon côté puriste se méfie fort des adaptations / reprises / remix et autres formes d’actualisation des œuvres du passé que j’interprète souvent comme le seul recours des gens qui veulent créer mais n’ont pas d’imagination (des imposteurs, donc).

Cela dit, la mention de Donna Tartt en gros sur la couverture m’a retenue de hurler sans réserve ma désapprobation et d’exiger qu’on le retire des présentoirs. Après tout, c’est quelqu’un de sérieux, si elle a trouvé à ce simulacre (tel que je l’avais déjà baptisé) ”la sauvagerie et le frisson de l’Antiquité”, il y a peut-être là de quoi faire naître une once de considération, ou, à défaut, de réviser mon jugement (jusqu’à présent favorable) de l’amie Donna (quoique il ne faille exclure l’éventualité qu’on lui ait arraché ces mots sous la contrainte. Les gens n’ont aucune limite, de nos jours).

Bref, je retourne donc admirablement ma veste et fais preuve de bonne volonté en m’aventurant à acquérir cette petite chose que je dédaigne d’abord.
Mais, pour abréger le suspense, j’ai tout de même fini par me décider à lui faire l’honneur de mon attention.


Le narrateur, c’est Patrocle. L’ami d’Achille, son protégé, son cousin, selon les versions et les traductions proposées d’Homère et d'autres.
Ici, il est un prince que son père a renié, et qui trouve asile auprès du roi Pelée, et de son fils Achille, promis à un grand destin par sa mère, la déesse Thétis.
Ils sont encore des enfants quand ils se rencontrent, et, rapidement, Achille choisit Patrocle comme compagnon d’armes, si bien qu’ils passent leurs journées ensemble, à l’étude et surtout à flâner sur leur île.
A seize ans, ils deviennent amants. C’est alors que la Grèce s’enflamme, déchirée par le rapt d’Hélène, et déclare la guerre à Troie. Achille, que sa réputation précède, est enlevé par sa mère pour ne pas être envoyé parmi les soldats. Son destin implacable le rattrape pourtant.


Je ne vous raconte pas la suite de l’histoire, non pas pour ne pas gâcher le suspense, mais parce qu’elle est déjà connue (alors que le début, moins!).
Il faut le reconnaître, Madeline s’en sort bien. Très bien, même.
L’idée d’adopter le point de vue de Patrocle confère au mythe une dimension humaine, car il n’est pas le guerrier invincible qu’est Achille, l’illustre stratège qu’est Ulysse, ni même le roi dévoré d’ambition qu’est Agamemnon. Patrocle est un homme doux et sage, dont la seule singularité est d’être aimé d’un demi-dieu (ce qui est en soi plutôt flatteur quand même).
Partant, on se plonge avec aisance dans le récit qui ne manque ni de sensualité, ni de souffle épique.
Il est assez étrange, mais pas déplaisant, de voir défiler les épisodes qui ont donné lieu aux plus grandes tragédies (le sacrifice d’Iphigénie notamment), on se laisse gagner peu à peu par la passion de l’auteur pour le mythe qu’elle ravive, qui vit entre les lignes et porte le roman d’un bout à l’autre.
Les vers d'Homère en sortent transformés et incroyablement actuels, avec une réflexion assez fine sur l'étoffe des héros et les valeurs qui sont admirées par les peuples à différentes périodes de l'Histoire.
Une surprise foudroyante!

A ce stade, donc, je suis de nouveau contrainte d’ajuster mon jugement, et de créer une catégorie mentale pour les excusés, ceux auxquels je pardonne d’avoir travesti un chef d’oeuvre, parce qu’ils l’ont fait avec panache. Madeline Miller rentre, grâce au Chant d’Achille, dans cette catégorie d’absous.
Qui sait, il y a encore tout un tas de choses à raconter sur l’un ou l’autre des innombrables personnages d’Homère, peut-être prendrai-je un jour la plume pour tenter d’égaler la prouesse de Madeline! (je sais, en tout cas, quel serait mon favori!)

  • Vous avez 14 ans, vous êtes en quatrième, votre prof vous oblige à lire Homère et vous êtes une grosse feignasse. Le chant d’Achille passe quand même mieux.
  • Vous n’avez jamais trop saisi pourquoi Achille était si vénère après Hector. Franchement, c’est un bon gars Hector, personne n’a envie de le trucider pour le traîner par les pattes derrière un chariot cahotant.
  • Vous soutenez aussi la même cause que les Foo Fighters, mais avec d'autres références


”Pourquoi devrais-je tuer Hector? Il ne m'a rien fait!” (Achille le grand naïf)

Ulysse : ”La gloire est une chose étrange. Certains y accèdent après leur mort, mais celle des autres peut aussi s'estomper avec les années. Ce qui est admiré par une génération peut être abhorré par une autre. Nous ne pouvons pas prévoir ce qui survivra à l'holocauste de la mémoire. Qui sait? Peut-être qu'un jour, moi aussi, je serai célèbre. Davantage que toi, même.”
Pyrrhos : ”J'en doute.”
(Vous me direz, qui diable est Pyrrhos? That is the point, mes très chers!)

Le moment où il a rendu le corps d'Hector à Priam. Il faut qu'on puisse s'en souvenir.
Son talent quand il jouait de la lyre. Sa voix magnifique.
Les filles. Il les a réclamées pour qu'elles n'aient pas à souffrir des mains d'un autre roi”
(Patrocle se remémorant les exploits d'Achille. Pauvre brave Patrocle).

5/5

(coup de cœur)

mardi 25 août 2015

Féroces, Robert Goolrick

Robert Goolrick a accédé à la notoriété avec la parution d'Une femme simple et honnête.
Féroces, qu'il publie ensuite, est en réalité son premier roman, et est à caractère autobiographique.


Je me suis donc décidée à plonger avec lui dans la Virginie des années 1950.

Dans les années 1950 donc, les Goolrick forment un couple glamour et une famille parfaite. En tout cas, c'est ce que dictent les apparences. En réalité, sous le vernis servi en société, se cachent des secrets et une violence destructrice.
Le narrateur raconte son enfance, la haine inexplicable qu'il inspire à ses parents qui sombrent dans l'alcool et les disputes, et son parcours du combattant, lorsqu'il est interné, à l'âge adulte, en hôpital psychiatrique.
Son plus grand secret, il ne le révèle que dans la dernière partie du roman, et les soixante dernières pages sont consacrées à la perte de l'innocence qui apporte un éclairage à ce que l'on a déjà appris.


Des portraits au vitriol pour un récit de vie terrible... La première chose qui me vient à l'esprit alors que je viens de refermer le livre, c'est combien il porte bien son nom.
Les scènes d'auto-mutilation sont insoutenables, et les dernières pages inattendues, alors qu'elles contribuent grandement à la compréhension de l'ensemble. Il ne faut donc pas s'arrêter en route!
Les souvenirs relatés semblent intacts, l'univers décrit confondant de réalité, on s'y croirait. Et, bien sûr, les ambivalences des relations familiales malsaines sont très finement rendues.
Ça fait mal, c'est décapant, c'est important.

  • Vous avez kiffé la saison 2 d'American Horror Story
  • Vous aimez la poésie toute singulière qui se dégage de l'oeuvre de William S. Burroughs, en particulier dans les Garçons sauvages




"Lorsque nous étions enfants, mon frère, ma sœur et moi, les hommes et les femmes avaient deux choses que nous n'avons plus aujourd'hui : les cocktails et les coiffures sophistiquées. Ils buvaient des Gimlet, des Manhattan, des Gibson, des Singapore Sling, des Vodka Stinger, des Blue Monday, des Grasshopper, des Old Fashioned, des Highball et des Side-Car."

"Quand on est à l'asile, on ressent le besoin de se justifier. On ressent le besoin de prouver que l'on a de vraies raisons de se trouver là, et l'on a tendance à dire n'importe quoi pour ne pas être mis à la porte. C'est dire à quel point on est heureux d'être enfermé."

"Je sais comment moi j'ai continué, mais ma question est la suivante : Comment ont-ils pu vivre une vie, en sachant ce qu'ils savaient, comment ont-ils pu lutter si longtemps et finalement échouer? Comment ont-ils fait pour continuer?"


4/5

(très bon)

lundi 24 août 2015

TTT 25 août - Etre noir aux Etats-Unis

Le TTT du 25 août est le suivant : le top 10 des œuvres qui figureraient sur mon corpus bibliographique si j'étais prof de XXX (à définir).
Je choisis donc enseigner la littérature et de consacrer un cours à l'expression de la condition noire aux Etats-Unis : il y a cent ans ou même hier, qu'est-ce que cela signifie, d'être noir, aux Etats-Unis? (et je fais un top 5).

Il y a la littérature qui distrait, celle grâce à laquelle on s'évade, on se sort du quotidien, mais sans prétentions non plus, le but n'est pas de refaire le monde. Je l'aime beaucoup, et je comprends qu'on éprouve du plaisir à s'y perdre, c'est mon cas bien souvent.
Et puis il y a la littérature qui a quelque chose à dire, un message à transmettre, un pan d'Histoire à dévoiler, qui soutient une thèse ou défend une cause, ou qui a juste à cœur de rapporter une réalité.
Quand on tombe sur des spécimens qui ressortissent de cette deuxième catégorie, on ne peut pas rester neutre : on adhère ou pas, on s'indigne ou non, et on croise des lectures qui nous marquent profondément.

On parle beaucoup en ce moment de la publication de Go Set a Watchman d'Harper Lee, l'auteur du best-seller Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur paru il y a 55 ans, en 1960, après lequel elle n'avait plus écrit. En réalité, sa nouvelle oeuvre a été rédigée avant son succès planétaire, donc techniquement, ce n'est pas une oeuvre de maturité par rapport à la première publiée et bien connue.
Mais elle aborde de nouveau le thème des droits civiques et du racisme dans les Etats-Unis du XXe siècle.


J'ai donc naturellement eu envie de faire un petit tour d'horizon des romans qui interrogent cette matière, et tentent d'apporter une réponse, ou à tout le moins un éclairage, sur ce que cela veut dire d'être noir aux Etats-Unis, depuis l'esclavagisme jusqu'au XXe.

Il y a les classiques, bien entendu : La case de l'oncle Tom, la référence sur le sujet. Et puis, au-delà des piliers majeurs que l'on connait, il y a aussi eu des tentatives à saluer.
Je vous propose donc mon top 5.


  • En cinquième position : Mississippi, d'Hilary Jordan

Dans le Sud des Etats-Unis, dans les années 1940, Laura et Henry tâchent de survivre en exploitant leur ferme. Lorsque deux soldats rentrent du front, les choses basculent peu à peu, sur fond de racisme et de brutalité.
J'ai été tout de suite emportée par le style de l'auteur, vif et limpide. Le récit, dur et poignant, est magistral, ce qui est d'autant plus impressionnant qu'il s'agit d'un premier roman.

Pour vous si : vous voulez enterrer votre beau-père dans le jardin et vous ne savez pas trop comment vous y prendre.


  • En quatrième position : La couleur des sentiments, de Kathryn Stockett

Le roman a eu un beau succès, enrayé par le bon accueil réservé à l'adaptation cinématographique. Dans les années 1960 dans l'Etat du Mississippi, avant l'avènement du mouvement pour les droits civiques, la ségrégation raciale est profondément ancrée dans les mentalités. Lorsqu'une toute jeune femme décide de recueillir en toute discrétion les témoignages des femmes noires qui servent comme bonnes dans les familles blanches de bonne famille parfois depuis toujours pour en faire un livre, elle réalise quels obstacles jalonnent ce parcours du combattant.
Un récit touchant, subtil, et drôle aussi, ce qui est appréciable! Je ne crois pas avoir déjà rencontré quelqu'un qui n'ait pas aimé cette lecture...

Pour vous si : vous aimez le chocolat.


  • En troisième position : Je sais pourquoi chante l'oiseau en cage, Maya Angelou

Le récit autobiographique de Maya Angelou, figure de proue de la défense des droits civiques; son oeuvre est majeure et saisissante, une expérience de lecture marquante.

Pour vous si : vous la confondez un peu avec Angela Davis (merci Pierre Perret) et qu'il est temps que ça cesse.


  • En deuxième position : Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur, Harper Lee

Je ne pouvais pas y couper! Cette lecture m'a émue et révoltée, elle m'a, là aussi, marquée profondément et pour longtemps.
En Alabama dans les années 30, la narratrice, une petite fille qui passe ses journées à crapahuter partout avec son frère Jem, raconte le procès d'un homme noir accusé d'avoir tué une femme blanche. Le père de la narratrice, Atticus Finch, est avocat, et va prendre en charge la défense de l'accusé.
D'après les premières critiques de Go set a watchman, le deuxième livre d'Harper Lee qui vient d'être publié aux Etats-Unis, la figure d'Atticus Finch, retournerait sa veste pour devenir un peu raciste sur les bords, ce qui est extrêmement choquant pour quiconque a connu le grand Atticus de son premier roman.
Quoi qu'il en soit, Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur est l'une des grandes œuvres du XXe siècle, à lire absolument.

Pour vous si : y'a pas de si, c'est pour tout le monde, comme les épinards à la cantine.


  • En première position : Beloved, Toni Morrison

Plus généralement, l'oeuvre de Toni Morrison explore ce sujet avec beaucoup de force, elle est incontournable dans le domaine y apporte une contribution majeure.

Beloved est l'histoire d'une femme, Sethe, ancienne esclave, qui a tué sa fille Beloved pour ne pas qu'elle connaisse le même sort qu'elle. Devenue libre, elle est hantée par ses fantômes, notamment celui de sa fille.
La lecture est exigeante et profonde, l'écriture de Toni Morrison est d'une très grande richesse.

Pour vous si :
Vous avez un côté "roots" et vous envisagez un accouchement maison. Il y a des gens pour qui ça se passe bien. On est beaucoup trop douillets de nos jours. 

Je rajoute un petit dernier qui aurait été le numéro 6 si le top n'était pas si rigide : La dernière fugitive de Tracy Chevalier, qui aborde le parcours épouvantable des esclaves en fuite pour rejoindre le Nord des Etats-Unis et le Canada, et le dilemme moral posé aux habitants le long de leur chemin, lorsque les fugitifs leur demandent ponctuellement un abri et de quoi manger avant de poursuivre leur route, car la loi stipule qu'ils encourent des sanctions terribles s'ils leur apportent leur aide.
Pour vous si : vous aimez bien les badboys, mais vous kiffez encore plus les badgirls.



Je dois préciser que je me documente encore sur le sujet, j'ai conscience notamment de ne pas avoir inclus des livres qui sont dans ma wishlist, donc pas encore lus, mais qui je crois sont également des références de premier ordre : Racines de Haley, Aminata de Hill, et Douze ans dans l'esclavage de Northup.

D'autres écrits intéressants : la nouvelle Désirée's baby de Kate Chopin, Nous sommes l'eau de Wally Lamb que j'ai évoqué dans mon top 2014, et La saison de l'ombre de Léonora Miano, qui donne à voir l'autre pendant de la traite négrière, depuis l'Afrique d'où les hommes disparaissent mystérieusement après avoir été capturés ou vendus.


Un sujet toujours actuel, si bien qu'il est troublant de constater combien certaines des réflexions de Toni Morrison ou Harper Lee peuvent résonner à nos oreilles.