vendredi 21 août 2015

Le sabotage amoureux, Amélie Nothomb

La petite chérie belge des Français est de retour pour son rendez-vous annuel, et publie pour cette rentrée littéraire le Crime du comte Neville, inspiré d'un récit d'Oscar Wilde, le Crime de Lord Arthur Savile. 
Mais avant d'en arriver aux nouveautés, j'ai décidé de faire un petit détour par les classiques. J'avais lu plus jeune Le sabotage amoureux, mais ne l'ai réalisé que vers la fin de ma lecture, quand est arrivée LA seule scène que j'avais mémorisée (où la narratrice fait pipi debout. Ça ne m'étonne pas de n'avoir retenu que ça, je me suis moi-même âprement exercée petite pour ne pas souffrir des désagréments de la condition féminine, car oui, faire pipi accroupie n'est pas une partie de plaisir. Je ne vous raconterai pas comment s'y prennent certaines personnes de ma connaissance, mais il y a indubitablement une technique à développer, et devant ce type de défi, nous ne sommes pas égales).


Alors, à quoi cela ressemblait-il, du Nothomb, il y a 22 ans?

La narratrice, petite fille de 7 ans qui quitte avec sa famille le Japon pour s'installer en Chine, nous raconte son quotidien à travers ses yeux d'enfant fantasque, la guerre très sérieuse menée entre les enfants du quartier où elle vit, et son amour pour la cruelle Elena, qui ne lui accorde pas le moindre regard.

Ce qu'il y a de bien avec Amélie Nothomb, c'est que son style est reconnaissable entre tous. A peine a-t-on lu quelques lignes que l'on sait chez qui l'on se trouve. Je suis à chaque fois émerveillée par sa faculté de transposer le réel, et de lui donner une allure soudain toute autre, chevaleresque, épique par exemple, et c'est d'ailleurs le cas dans Le sabotage amoureux. L'humour est vif et cinglant, on ne s'ennuie pas une seconde, les mots sont toujours prétexte à s'interroger et l'auteur nous sert des formules truculentes.
En général, je me refuse à relire les livres qui m'ont plu de peur de ne plus leur trouver ce charme particulier qui m'avait frappée et s'était instillé en moi.
Ici, aucune déception : une agréable lecture, délassante et qui a le don de nous faire voir le monde à travers un spectre singulier, le regard d'une enfant de 7 ans spécifiquement douée d'imagination.
Bref, du Nothomb comme on l'aime.

  • Vous êtes en faveur de la parité y compris dans les menus détails de la vie quotidienne
  • Vous êtes persuadé que la troisième guerre mondiale s'est déjà jouée à l'insu de tous
  • Vous vous délectez des supplices raffinés réservés aux prisonniers de guerre, tant d'imagination à l'oeuvre, vous n'êtes jamais déçu



"Au Japon, quand j'avais quatre ans, j'avais une esclave à ma dévotion personnelle. Elle se prosternait souvent à mes pieds. C'était bien."

"La guerre commença en 1972. C'est cette année-là que j'ai compris une vérité immense : sur terre, personne n'est indispensable, sauf l'ennemi."

"En un seul regard, on sentait qu'aimer Elena serait à la souffrance ce que Grevisse est à la grammaire française: un classique conspué et indispensable."

"Qu'une énorme part de jalousie et de mauvaise foi se mêlât à mon indignation ne contredit pas le fond de l'affaire : j'étais dégoûtée que l'on portât aux nues une histoire où les bons sentiments tenaient lieu d'imagination.
De ce jour, je décrétai que la littérature était un monde pourri."

"Qu'une chose aussi ravissante, aussi feutrée, aussi douce, aussi tournoyante, aussi légère que la neige puisse se transformer si vite en son contraire – un fatras gris, collant, figé, pesant, rugueux – est une saloperie dont je ne me remets pas."

4/5

(très bon)

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