lundi 24 août 2015

TTT 25 août - Etre noir aux Etats-Unis

Le TTT du 25 août est le suivant : le top 10 des œuvres qui figureraient sur mon corpus bibliographique si j'étais prof de XXX (à définir).
Je choisis donc enseigner la littérature et de consacrer un cours à l'expression de la condition noire aux Etats-Unis : il y a cent ans ou même hier, qu'est-ce que cela signifie, d'être noir, aux Etats-Unis? (et je fais un top 5).

Il y a la littérature qui distrait, celle grâce à laquelle on s'évade, on se sort du quotidien, mais sans prétentions non plus, le but n'est pas de refaire le monde. Je l'aime beaucoup, et je comprends qu'on éprouve du plaisir à s'y perdre, c'est mon cas bien souvent.
Et puis il y a la littérature qui a quelque chose à dire, un message à transmettre, un pan d'Histoire à dévoiler, qui soutient une thèse ou défend une cause, ou qui a juste à cœur de rapporter une réalité.
Quand on tombe sur des spécimens qui ressortissent de cette deuxième catégorie, on ne peut pas rester neutre : on adhère ou pas, on s'indigne ou non, et on croise des lectures qui nous marquent profondément.

On parle beaucoup en ce moment de la publication de Go Set a Watchman d'Harper Lee, l'auteur du best-seller Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur paru il y a 55 ans, en 1960, après lequel elle n'avait plus écrit. En réalité, sa nouvelle oeuvre a été rédigée avant son succès planétaire, donc techniquement, ce n'est pas une oeuvre de maturité par rapport à la première publiée et bien connue.
Mais elle aborde de nouveau le thème des droits civiques et du racisme dans les Etats-Unis du XXe siècle.


J'ai donc naturellement eu envie de faire un petit tour d'horizon des romans qui interrogent cette matière, et tentent d'apporter une réponse, ou à tout le moins un éclairage, sur ce que cela veut dire d'être noir aux Etats-Unis, depuis l'esclavagisme jusqu'au XXe.

Il y a les classiques, bien entendu : La case de l'oncle Tom, la référence sur le sujet. Et puis, au-delà des piliers majeurs que l'on connait, il y a aussi eu des tentatives à saluer.
Je vous propose donc mon top 5.


  • En cinquième position : Mississippi, d'Hilary Jordan

Dans le Sud des Etats-Unis, dans les années 1940, Laura et Henry tâchent de survivre en exploitant leur ferme. Lorsque deux soldats rentrent du front, les choses basculent peu à peu, sur fond de racisme et de brutalité.
J'ai été tout de suite emportée par le style de l'auteur, vif et limpide. Le récit, dur et poignant, est magistral, ce qui est d'autant plus impressionnant qu'il s'agit d'un premier roman.

Pour vous si : vous voulez enterrer votre beau-père dans le jardin et vous ne savez pas trop comment vous y prendre.


  • En quatrième position : La couleur des sentiments, de Kathryn Stockett

Le roman a eu un beau succès, enrayé par le bon accueil réservé à l'adaptation cinématographique. Dans les années 1960 dans l'Etat du Mississippi, avant l'avènement du mouvement pour les droits civiques, la ségrégation raciale est profondément ancrée dans les mentalités. Lorsqu'une toute jeune femme décide de recueillir en toute discrétion les témoignages des femmes noires qui servent comme bonnes dans les familles blanches de bonne famille parfois depuis toujours pour en faire un livre, elle réalise quels obstacles jalonnent ce parcours du combattant.
Un récit touchant, subtil, et drôle aussi, ce qui est appréciable! Je ne crois pas avoir déjà rencontré quelqu'un qui n'ait pas aimé cette lecture...

Pour vous si : vous aimez le chocolat.


  • En troisième position : Je sais pourquoi chante l'oiseau en cage, Maya Angelou

Le récit autobiographique de Maya Angelou, figure de proue de la défense des droits civiques; son oeuvre est majeure et saisissante, une expérience de lecture marquante.

Pour vous si : vous la confondez un peu avec Angela Davis (merci Pierre Perret) et qu'il est temps que ça cesse.


  • En deuxième position : Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur, Harper Lee

Je ne pouvais pas y couper! Cette lecture m'a émue et révoltée, elle m'a, là aussi, marquée profondément et pour longtemps.
En Alabama dans les années 30, la narratrice, une petite fille qui passe ses journées à crapahuter partout avec son frère Jem, raconte le procès d'un homme noir accusé d'avoir tué une femme blanche. Le père de la narratrice, Atticus Finch, est avocat, et va prendre en charge la défense de l'accusé.
D'après les premières critiques de Go set a watchman, le deuxième livre d'Harper Lee qui vient d'être publié aux Etats-Unis, la figure d'Atticus Finch, retournerait sa veste pour devenir un peu raciste sur les bords, ce qui est extrêmement choquant pour quiconque a connu le grand Atticus de son premier roman.
Quoi qu'il en soit, Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur est l'une des grandes œuvres du XXe siècle, à lire absolument.

Pour vous si : y'a pas de si, c'est pour tout le monde, comme les épinards à la cantine.


  • En première position : Beloved, Toni Morrison

Plus généralement, l'oeuvre de Toni Morrison explore ce sujet avec beaucoup de force, elle est incontournable dans le domaine y apporte une contribution majeure.

Beloved est l'histoire d'une femme, Sethe, ancienne esclave, qui a tué sa fille Beloved pour ne pas qu'elle connaisse le même sort qu'elle. Devenue libre, elle est hantée par ses fantômes, notamment celui de sa fille.
La lecture est exigeante et profonde, l'écriture de Toni Morrison est d'une très grande richesse.

Pour vous si :
Vous avez un côté "roots" et vous envisagez un accouchement maison. Il y a des gens pour qui ça se passe bien. On est beaucoup trop douillets de nos jours. 

Je rajoute un petit dernier qui aurait été le numéro 6 si le top n'était pas si rigide : La dernière fugitive de Tracy Chevalier, qui aborde le parcours épouvantable des esclaves en fuite pour rejoindre le Nord des Etats-Unis et le Canada, et le dilemme moral posé aux habitants le long de leur chemin, lorsque les fugitifs leur demandent ponctuellement un abri et de quoi manger avant de poursuivre leur route, car la loi stipule qu'ils encourent des sanctions terribles s'ils leur apportent leur aide.
Pour vous si : vous aimez bien les badboys, mais vous kiffez encore plus les badgirls.



Je dois préciser que je me documente encore sur le sujet, j'ai conscience notamment de ne pas avoir inclus des livres qui sont dans ma wishlist, donc pas encore lus, mais qui je crois sont également des références de premier ordre : Racines de Haley, Aminata de Hill, et Douze ans dans l'esclavage de Northup.

D'autres écrits intéressants : la nouvelle Désirée's baby de Kate Chopin, Nous sommes l'eau de Wally Lamb que j'ai évoqué dans mon top 2014, et La saison de l'ombre de Léonora Miano, qui donne à voir l'autre pendant de la traite négrière, depuis l'Afrique d'où les hommes disparaissent mystérieusement après avoir été capturés ou vendus.


Un sujet toujours actuel, si bien qu'il est troublant de constater combien certaines des réflexions de Toni Morrison ou Harper Lee peuvent résonner à nos oreilles.

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