mercredi 7 octobre 2015

Top thématique - Littérature asiatique

Je me suis beaucoup plongée cette année dans la littérature asiatique, en particulier chinoise et japonaise. Je crois que tout est parti de Kawakami, mais je n'en suis plus vraiment certaine. Quoi qu'il en soit, j'ai été conquise par ce pan riche de la littérature que j'avais toujours méconnu, et lui consacre donc ce premier top 10 thématique.

  • En dixième position : Le restaurant de l'amour retrouvé, Ito Ogawa.


A la suite d'un chagrin d'amour, une jeune femme perd la voix et se retranche chez sa mère, avant d'ouvrir un restaurant pour retrouver goût à la vie à travers son amour de la cuisine. Beaucoup de tendresse et de douceur dans ce voyage gastronomique au cœur des sens.

  • En neuvième position : Ru, Kim Thuy.

Une femme nous raconte le Vietnam qu'elle a connu, son enfance dans un milieu privilégié à Saïgon, l'arrivée du communisme et les brimades endurées, la fuite jusqu'au Québec où sa famille va s'implanter, et les difficultés éprouvées à construire son identité, n'étant pas québécoise pour le Québec, ni vietnamienne pour le Vietnam, s'étant forgée entre les deux, écartelée. Un court roman d'une grande puissance.

  • En huitième position : Le Pavillon d'Or et La Musique, Yukio Mishima

Mishima, la légende japonaise... Dans le pavillon d'or, il romance avec brio l'histoire du jeune homme qui incendie, en 1950, le Pavillon d'Or de Kyoto. Dans La musique, il nous raconte l'histoire d'une femme qui "n'entend plus la musique", à savoir, qui n'éprouve plus de plaisir sexuel, et il remonte avec nous le fil de ses souvenirs et de sa vie, jusqu'au dénouement saisissant. Les mots de Mishima sonnent toujours juste, sa plume est éternelle.

  • En septième position : Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil, Murakami

De Murakami, je ne retiens pas 1Q84, qui m'a fait l'effet d'un olni, et que j'ai d'abord rejeté à la fin de ma lecture avant de me rendre compte, le temps passant, qu'il s'était imprégné en moi, je ne retiens pas non plus Kafka sur le rivage, pour la simple raison que je n'en suis pas venue à bout (le blâme ne revient pas à l'auteur, je m'étais essayée à une version espagnole de l'oeuvre, une expérience insolite et, pour finir, peu fructueuse). Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil, m'a emportée avec sa poésie, son souffle, son empreinte unique. Il y a dans ce livre un romantisme fulgurant, une sensualité folle qui se dégage de cette ambiance feutrée, de la musique jazz, à demi-mots toujours, mais qui n'en fait pas moins d'effet.

  • En sixième position : Le fusil de chasse, Yasushi Inoué

Trois lettres sont adressées par trois femmes au même homme, et nous aident à reconstituer leur histoire, tragique, épouvantable, incroyablement simple pourtant. On ne sort pas indemne de cette lecture, servie par un style dépouillé et aucune fioriture. Un texte marquant.

  • En cinquième position : La vie rêvée des plantes, Lee Seung-U

C'était une trouvaille que ce roman de Lee Seung-U. Ne vous laissez pas tromper par le titre poétique, qui n'évoque pas vraiment la nature de l'intrigue. Un jeune homme se plonge dans les secrets de sa famille, que le retour de son frère aîné amputé de l'armée a bouleversée. Les personnages sont profonds, y compris les personnages secondaires, l'écriture déborde d'intelligence et de poésie, mais également d'un réalisme aussi violent que douloureux.

  • En quatrième position : Les années douces, Hiromi Kawakami

La lecture qui a initié mon cycle asiatique! C'est un roman d'une grande douceur, où Kawakami excelle dans son art habituel, qui est de peindre avec poésie les petites choses du quotidien.
Une jeune femme croise son vieux professeur à la retraite. Bientôt se tisse entre eux un lien d'amour tendre qui se resserre peu à peu. Cette lecture a été pour moi touchante et réconfortante, c'était comme de se plonger dans un bain chaud à bulles, ou de se pelotonner par le froid hivernal dans un plaid douillet sur son canapé.

  • En troisième position : Chinoises de Xinran (qui a aussi écrit les magnifiques Funérailles célestes)

Le trio de tête concerne des œuvres plus engagées que certaines des précédentes. Dans Chinoises, Xinran a réuni les témoignages de femmes auxquelles elle a posé la question de ce qu'est pour elles le bonheur, de leurs rêves et de leurs espoirs, de leur quotidien, de leur sexualité, brisant ainsi les tabous qui pèsent sur la société et créent des ombres sur certaines parties de leur vie. Les récits sont tour à tout touchants et indignants, au gré des rencontres de Xinran. Un roman d'une force incroyable.

  • En deuxième position : Notre héros défiguré, Yi Munyol

Un nouvel élève arrivé de Séoul découvre un environnement différent de celui qu'il a toujours connu, et des règles qu'il cherche à remettre en cause, jusqu'à ce que les brimades et les humiliations aient raison de son acharnement.
Ce très court récit est remarquable. Le parallèle peut être fait bien entendu avec le régime de la dictature, mais l'auteur s'écarte des sentiers battus en offrant une lecture beaucoup plus subtile et complexe, en décrivant la solidité et la fragilité relative de ce système avec talent. C'est à mon sens une illustration parfaite de la thèse de la Boétie dans son essai sur la Servitude volontaire, en se concentrant notamment sur le procédé insidieux qui conduit les subordonnés du tyran à accomplir sa volonté, et à lui conférer son pouvoir.

  • En première position : La route sombre, Ma Jian (auteur du tout aussi puissant Beijing Coma)

Ces deux œuvres de Ma Jian sont magistrales et bouleversantes, livrant une réalité dont il est à peine croyable que nous en ayons été contemporains. Les implications pratiques de la politique de l'enfant unique sont décrites dans La route sombre, et celles de la répression de la place Tien Anmen dans Beijing Coma, des événements donc dont nous avons tous entendu parler, pour les plus jeunes d'entre nous dans les cours d'histoire, pour les autres dans les journaux. L'auteur ne nous épargne pas, il a à cœur d'explorer les ressorts de la société chinoise et de nous les exposer. Des romans à mettre entre toutes les mains, en dépit de leur noirceur et de leur dureté, pour les enseignements essentiels qu'ils apportent.

A noter, j'ai exclu certains écrivains originaires d'Asie mais s'étant implantés à l'étranger et dont l'oeuvre se détourne pour partie de cet héritage (Ishiguro). D'autres noms importants dans le panthéon des auteurs asiatiques ne m'ont pas encore vraiment convaincue, bien qu'ils soient incontournables : Soseki, Ichikawa, Kawabata.

Rendez-vous est pris dans quelques années, afin de voir comment évolue ce classement!

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