vendredi 18 décembre 2015

La logique de l'amanite, Catherine Dousteyssier-Khoze

De nouveau, un premier roman.
Mais attention, sous ses airs anodins, La logique de l'amanite n'est pas n'importe quel roman.
C'est un livre qui parle de forêts et de champignons. Juste pour ça, je ne pouvais pas le manquer.



Le synopsis
Nikonor a grandi avec ses parents et sa soeur jumelle Anastasie dans le chateau familial de la Charlanne, en Corrèze, tout près de la Dordogne et au coeur d'une forêt de première qualité. Vouant une passion démesurée depuis l'enfance à la mycologie (avec une préférence marquée pour le cèpe qui n'est pas loin de s'ériger en culte), il entretient une haine farouche à l'égard de sa jumelle qu'il juge en tout point décevante et médiocre, et se méfie d'elle comme de la peste. Mais ce n'est pas là le seul secret de Nikonor, descendant de l'aristocratie anglaise, et autour duquel les morts suspectes semblent s'amonceller...

Mon avis

Réjouissant!!!
Vif, insolite, et jubilatoire, La logique de l'amanite est pour moi une grande réussite.
D'abord, le style : une écriture bondissante, de l'humour noir absolument délectable et mordant, des bouts de phrase en anglais qui donnent un ton décalé, on savoure la lecture sans mesure.
Nikonor est par ailleurs un protagoniste à la hauteur, haut en couleur et aussi détestable qu'attachant, tant il incarne avec brio un personnage improbable, sorte de dandy anglais parachuté dans la campagne corrézienne, et qui ne vit que pour le cèpe (sans pour autant en apprécier le goût, notez le paradoxe).
Les cent premières pages m'ont fait trépigner sur mon siège de métro (parce que même si je prends le métro aux heures de pointe, et bien oui, j'ai toujours un siège : des années d'entraînement strict à l'incivilité crasse, voilà ce que le confort coûte), mais je dois, par souci d'honnêteté intellectuelle, faire état d'un léger étiolement de mon intérêt sur la deuxième moitié du livre, car une fois que l'on découvre les activités auxquelles s'adonne Nikonor pour subsister, le récit prend un nouveau tournant, et verse à mon sens dans un registre un peu différent de ce que promettent les débuts.
Il y a dans le roman des pages d'anthologie sur la mycologie (anciennement mycétologie) qui n'ont rien à envier à certains passages de Flaubert, par exemple dans Bouvard et Pécuchet, où les protagonistes se passionnent pour des sujets tout à fait improbables (le roman de Catherine est d'ailleurs infiniment plus abordable).
Amoureux des champignons, sortez de vos tannières, montrez-vous, osez dévoiler haut et fort toutes les émotions que vous inspire une belle amanite, c'est votre moment de gloire!
Et comme dit la chanson : Champignon, champignon, champignon, mangez-moi!
(Mais si c'est Nikonor qui cuisine, méfiez-vous un poil)


Pour vous si...
  • Vous êtes de près ou de loin sensible à la mycologie : alors là, foncez, ce livre-là, c'est le vôtre, il est pour vous!!!
  • Les histoires de retranchement dans le fin fond de la France ne vous effraient pas
  • La touche anglaise est pour vous l'élégance suprême, the icing on the cake

Morceaux choisis

"Mon père vouait une adoration touchante à ma mère qui n'avait qu'une concurrente, mais de taille : la mycologie."


"Moi, bien qu'indubitablement marqué par la mycomania paternelle, j'étais en quête du cèpe, champignon infiniment supérieur à toutes les espèces communément trouvées, le seul à être entièrement satisfaisant. [...] Les poètes préférant s'épancher mièvrement depuis l'Antiquité sur les fleurs, les femmes et les oiseaux sont des ânes bâtés, de sombres brutes souffrant d'une atrophie aiguë de la glande esthétique."


"Mon père accordait visiblement peu d'importance au cèpe, sans doute trop commun pour constituer à ses yeux un objet digne d'attention. Fort heureusement, le snobisme mycologique paternel n'eut aucune prise sur moi; avec l'indépendance d'esprit qui me caractérise, j'avais d'ores et déjà décidé que le cèpe était the one."

"Mais qu'est-ce que le bonheur? [...] Je rejette d'emblée toute définition qui s'encombre d'un carcan moral ou éthique (yes, you, Spinoza and Kant)". (je n'ai pas de mot pour décrire l'euphorie d'hilarité dans laquelle me plonge l'apostrophe des vieux maîtres dont les pauvres os sont poussière)

Note finale
4/5
(excellent)

3 commentaires:

  1. On l'offre à Michael? Moi aussi j'aurais un siège le matin, youpi!

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  2. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  3. Il est fort probable que nous ne soyons pas les seules à avoir l'idée, étant donnée la notoriété de sa passion! ;) Ahhh le siège de métro, cette denrée rare et précieuse... *_*

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