lundi 28 décembre 2015

La possibilité d'une île, Michel Houellebecq

Je sais, vous allez bientôt me taxer de vouer secrètement à Michel un intérêt non assumé, que dis-je, un béguin hors de contrôle.
Et bien, je résiste à cette calomnie, et le crie haut et fort : rien n'est plus faux (rien, vous entendez, pas même les allégations de Wilhelm II déclarant : "The automobile is only a passing phenomenon - I believe in the horse" - Bien vu Wilhelm, comme dirait ma mamie, en voilà un qui a perdu une occasion de se taire).
Si j'ai entrepris de lire La possibilité d'une île, ce n'est pas par impulsion morbide ou laisser-aller romanesque, non non non, c'est sur les conseils répétés de personnes de confiance et de goût (je vous assure), qui ont eu raison de mes solides freins psychologiques.
Et vous me connaissez, comme je suis de nature généreuse, et bien, je partage.

Le sachet de thé, c'est la caution Noël. 

Le synopsis

La possibilité d'une île relate la vie de Daniel1, humoriste bénéficiant d'un certain succès, qu'il a consignée dans une autobiographie et qui est lue et commentée par ses clones futurs, Daniel24 et Daniel25.

Mon avis

Je referme tout juste le roman, et j'ai un sentiment proche de la ferveur (lol) celui que j'avais éprouvé en terminant précédemment Les particules élémentaires.
Il faut reconnaître que Michel a :
  • une plume (c'est quand même pas le cas de tous les auteurs que l'on peut lire)
  • une certaine ambition : la possibilité d'une île pose les bases d'une vision de la société et de l'humanité (bien que noire et désapprouvée par moi), il y a une volonté d'aller au-delà d'un simple récit romanesque
  • de la fantaisie / un côté SF ou anticipation qui trouve dans ce roman, je pense, son expression la plus aboutie
  • un sens poétique (improbable, mais absolument vrai) (un ami a eu la grandeur d'âme de me faire lire son recueil Renaissance, histoire que j'arrête de pourrir sans savoir - qui est, je le répète, ma spécialité -, et j'ai été étonnamment surprise : certains poèmes étaient, pour certains, tout à fait touchants, voire beaux)
En revanche, et c'est là que le bât blesse sempiternellement, Michel passe à côté des relations humaines, celles qu'il décrit sont tristes à mourir, et, désolée de me répéter encore, mais il n'a rien compris aux femmes - rien de rien de rien. A cet égard, on dirait qu'il n'a appréhendé la gente féminine qu'à travers des films pornos, et qu'il n'a jamais rencontré de représentante de la dite-gente pour sonder les réactions que cela pouvait réellement produire en lui - ou en tout homme. 
La misère sociale et sexuelle décrite peut, je l'entends, être la réalité de certains hommes (et pourquoi pas, à l'inverse, de certaines femmes aussi, ne l'oublions pas). 
Mais à force de peindre des personnages socialement inadaptés, on perd de l'impact qu'il cherchait à produire en conférant à ses théories une portée plus grande que le simple destin individuel d'un protagoniste isolé. 
Il y a bien, dans La possibilité d'une île, la proximité de personnages qui peuplent l'environnement immédiat du protagoniste : Vincent, Patrick, les Marie... Chacun s'inscrit cependant dans sa propre trajectoire individuelle, il m'a semblé que les scènes collectives répondaient plus d'une logique de promiscuité qu'elles n'étaient le produit de liens tissés, de relations d'amitié par exemple. 
Le roman est donc plus intéressant et plus riche, à mon sens, que les autres livres que j'ai pu lire jusqu'à présent de Houellebecq, cependant cette lecture confirme mon peu d'enthousiasme pour la philosophie véhiculée par l'auteur, à laquelle je ne souscris pas en dépit des tentatives répétées de bien saisir sa pensée et les idées qui portent son ambition littéraire. 



Pour vous si...
  • Vous êtes curieux de connaître la vocation de poète de Michel, et de découvrir quelques-uns de ses poèmes
  • Vous n'êtes pas farouchement opposé aux récits d'anticipation un peu austères dans leur finalité

Morceaux choisis

"Les femmes manquent d'humour en général, c'est pourquoi elles considèrent l'humour comme faisant partie des qualités viriles ; les occasions de disposer mon organe dans un des orifices adéquats ne m'ont donc pas manqué, tout au long de ma carrière." (cher Michel, dois-je te révéler que les personnes les plus hilarantes que j'ai rencontrées au cours de mon existence - quoique encore relativement brève - ont été, dans leur écrasante majorité, des femmes?...)

"Le jour du suicide de mon fils, je me suis fait des œufs à la tomate. [...] Je n'avais jamais aimé cet enfant : il était aussi bête que sa mère, et aussi méchant que son père. Sa disparition était loin d'être une catastrophe ; des êtres humains de ce genre, on peut s'en passer." (jajaja)

"Une pâte feuilletée ratée, voilà à  quoi m'avait toujours fait penser le style de Nabokov."

"Si l'homme rit, s'il est le seul, parmi le règne animal, à exhiber cette atroce déformation faciale, c'est également qu'il est le seul, dépassant l'égoïsme de la nature animale, à avoir atteint le stade infernal et suprême de la cruauté."

"Il n'empêche que cette fois j'étais directement concerné, et que cette opposition entre l'érotisme et la tendresse m'apparaissait, avec une parfaite clarté, comme l'une des pires saloperies de notre époque, comme l'une de celles qui signent, sans rémission, l'arrêt de mort d'une civilisation." (j'ai déjà lu ça quelque part... ;) )

"Pendant la première partie de sa vie, on ne se rend compte de son bonheur qu'après l'avoir perdu. Puis vient un âge, un âge second, où l'on sait déjà, au moment où l'on commence à vivre un bonheur, que l'on va, au bout du compte, le perdre."

"Le rêve de tous les hommes c'est de rencontrer des petites salopes innocentes, mais prêtes à toutes les dépravations - ce que sont, à peu près, toutes les adolescentes. Ensuite peu à peu les femmes s'assagissent, condamnant ainsi les hommes à rester éternellement jaloux de leur passé dépravé de petite salope." (La preuve criante que Michel vit dans un mauvais porno des années 80 : dans la vraie vie, ma maigre expérience m'ayant conduite à côtoyer quelques adolescentes et jeunes femmes, montre plutôt le contraire : les adolescentes nourrissent un certain nombre de complexes qui les retiennent dans leurs envies de découvertes - lesquelles impliquent très rarement des hommes de vingt à trente ans plus vieux qu'elles...- , elles connaissent encore mal leur corps qui est en pleine transformation ou en sort à peine, et elles assumeront leurs désirs plus tard, une fois qu'elles auront l'assurance adulte, donc aux alentours et passée la vingtaine, plus certainement vers la trentaine, et non à 15 ans comme en rêve Michel...) (après consultation de la gente féminine diversifiée qui m'entoure physiquement à cet instant, j'obtiens l'unanimité. Sorry Michel).


Note finale
3/5
(cool, si l'on excepte le traitement fait des relations hommes-femmes et de manière générale, tout ce qui concerne les femmes)

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