lundi 14 décembre 2015

Longues distances, Jhumpa Lahiri

Le grand retour des lectures aléatoires, il en faut bien de temps en temps pour se rappeler que le hasard existe, et qu'il peut mener à loisir à des déconvenues comme à de belles surprises.
C'est sans doute mon côté ô combien téméraire qui parle : choisir un livre les yeux fermés, c'est un peu ma roulette russe à moi.



Le synopsis

Le roman relate le parcours de Subhash et de son jeune frère Udayan, élevés en Inde et brillants chacun à leur manière, liés par un indéfectible lien, jusqu'à la disparition précoce d'Udayan du fait de son engagement dans le mouvement naxalite, tandis que son frère à émigré aux Etats-Unis pour poursuivre ses études.
A sa mort, Udayan laisse derrière lui une jeune épouse, Gauri, qui porte son enfant. 

Mon avis

Ce roman illustre à merveille le succès improbable que peut remporter un choix à l'aveugle!
J'ai pensé, en lisant Longues distances, aux romans d'Amitav Ghosh, ces livres-fleuves où l'on suit le destin de plusieurs générations, le parcours de nombreux protagonistes. Ce roman-ci ne traite toutefois que du destin de deux frères, et si l'on a connaissance de celui de leur descendante, ils demeurent toujours centraux dans l'intrigue. Ce qui fait figure de nœud initial, le sort d'Udayan, trouve des échos multiples tout au long du récit, et la réalité ne se dévoile que graduellement, il faut attendre les dernières pages pour avoir une vision complète de ce qui a été déterminant dans la vie de tous ceux qu'on a vu évoluer pendant les décennies suivantes.
J'ai apprécié la fluidité du style, relativement simple, servant parfois l'expression de sentiments et de réflexions complexes : les relations entre Bela et Gauri, entre Subhash et Bela, et même entre Subhash et Gauri, sont profondes et paradoxales. L'auteur ne verse pas dans les lieux communs ou une approche bien-pensante en rétablissant des relations bienveillantes dénuées de toute forme de rancœur, c'est là que le récit puise sa force à mon sens.
Le mouvement naxalite m'était par ailleurs parfaitement inconnu, il était intéressant de se plonger dans l'idéologie défendue, ne serait-ce que dans ses grandes lignes.
Une agréable surprise!


Pour vous si...
  • Vous êtes un inconditionnel des romans-fleuves qui détaillent la vie d'un ou plusieurs protagonistes, et non une tranche de vie ridiculement courte
  • L'émergence du mouvement naxalite en Inde compte parmi vos passions les plus franches (auquel cas, merci de vous manifester, il est toujours intéressant de savoir que de tels spécimens existent)
  • Vous êtes en faveur de la désignation, au sein de chaque famille, d'une âme charitable qui se vouera à porter secours aux ayant-droits de ses frères et sœurs en renonçant à toute velléité d'accomplissement personnel. On peut appeler ça un camion-poubelle aussi. 
Morceaux choisis

"A quatre ans, Bela se construisait une mémoire. Le mot "hier" entra dans son vocabulaire, bien que sa signification fût élastique, synonyme de tout ce qui n'était plus existant. Le passé s'écrasait, sans ordre, contenu dans ce seul vocable. [...] Le hier de Bela était le réceptacle de tout ce que son esprit emmagasinait. Toute expérience ou impression, survenue avant. Sa mémoire était courte, son contenu limité. Dépourvue de chronologie, réorganisée au hasard."

"Ce n'était pas si différent de la façon dont son rôle, sur bien des plans, avait évolué par le passé. D'épouse à veuve, de belle-sœur à épouse, de mère à femme sans enfant. A l'exception de son veuvage, c'était elle qui avait délibérément choisi de franchir ces étapes.
Elle avait épousé Subhash, elle avait abandonné Bela. Elle avait engendré des avatars d'elle-même, et elle avait payé ces conversions volontaires au prix fort. Elle avait construit sa vie en la dépouillant, pour finir seule."

"Sur la cime d'un arbre du jardin, un groupe d'oiseaux, petits, noirs et bruyants, voletait avec frénésie. Ils cherchaient, dans la froideur hivernale, toute la nourriture que l'arbre pouvait encore leur fournir. Il y avait une sorte de fureur déterminée dans leurs mouvements. Un acte de survie qui, soudain, le choquait."


Note finale
3/5
(cool)

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