mardi 8 mars 2016

Victor Hugo vient de mourir, Judith Perrignon

Judith Perrignon a été l'une de mes grandes découvertes de 2015, grâce à son roman Les faibles et les forts.
Etant donné mon inconditionnel amour pour Victor Hugo, la combinaison était trop parfaite pour ne pas céder à la tentation.



Le synopsis

Le titre parle tout seul : nous sommes en mai 1885, et Victor Hugo est mourant.
C'est d'abord une rumeur qui enfle dans la ville, qui se répand, et qui bientôt inquiète toute la population, les riches et les nantis qui veulent être de ceux qui seront aux premières loges, les miséreux qu'il a défendus sa vie durant dans son oeuvre, et qui savent qu'ils perdent avec le grand homme un ardent défenseur du petit peuple.


Mon avis

Judith Perrignon a un sens certain de l'art de raconter.
Qu'elle nous parle du quotidien des Noirs Américains et du poids de l'Histoire, ou de la disparition d'Hugo dans un Paris en effervescence, on se laisse porter, et l'on se plonge sans retenue dans le monde qu'elle nous propose de reconstruire pour nous.

Le récit se centre sur la mort de Victor Hugo, qui est annoncée dès la première page, et se concrétise un peu plus loin dans l'intrigue.

Le sujet fournit un excellent prétexte pour faire revivre l'époque, et Judith nous aide en cela, rappelant les grandes figures de la scène publique, ranimant les proches d'Hugo, dépeignant la tristesse inconsolable de ses petits enfants, George et Jeanne, de sa fille Adèle devenue désaxée, et de tous ceux qu'Hugo a défendus et qui restent un peu orphelins, et peu esseulés.
Ainsi Louise Michel, ainsi les ouvriers et les petites gens, demandant aux autorités d'établir un jour férié pour qu'ils puissent tous rendre hommage et dire adieu à celui qui a su parler d'eux, qui a su faire d'eux des personnages de roman, eux d'ordinaire cachés ou méprisés, et méprisables, dans les yeux des écrivains.

Le roman retrace également l'impact de la disparition du poète sur la scène politique, les mouvements des uns et des autres, qui voient là une opportunité unique de se faire valoir, d'être visible.

On ressent en lisant le vide terrible qui a dû étreindre nombre des admirateurs et des amis d'Hugo à sa mort, lui qui laisse derrière lui un empire littéraire, le souvenir d'un homme engagé qui a connu l'exil, qui s'en est relevé, qui a su mettre les mots à sa solde, pour défendre les indigents, pour s'ériger en prophète.

Le livre de Judith Perrignon parvient admirablement à nous faire voyager dans les années 1880, et l'illusion est complète ; cependant, je n'ai pas retrouvé la force inouïe qui m'avait frappée à la lecture des Faibles et les forts, en dépit d'un sujet cependant propre à émouvoir l'humain en moi.
Je suivrai sans doute avec attention ses prochaines publications...


Pour vous si...
  • La période des années 1880 exerce sur vous un attrait même mineur
  • Vous vous dites parfois avec mélancolie que notre époque ne connaît pas (en France), de figure culturelle majeure susceptible de rassembler les foules comme Hugo en son temps, et déplorez de ne pas avoir vécu en des temps plus audacieux à cet égard

Morceaux choisis

"Ils écrivaient ensemble, Hugo loin devant et eux derrière, ils auraient pu le faire longtemps encore, l'Empire et son totalitarisme avaient fouetté leur prose, la République et ses grands airs ne les avaient pourtant pas endormis. Mais il ne peut rien seul, Vacquerie. Il aime croire et admirer. Il n'admire plus puisque Hugo est mort."

"On ne dit plus les pauvres, les riches trouvent que ça fait mauvais genre, on dit d'où ils sont et la couleur de leur peau. C'est plus précis et ainsi on ne leur doit rien. Ils ont perdu la protection des mots."


Note finale
3/5
(cool)

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