jeudi 5 mai 2016

Revoir Tanger, Ralph Toledano

Revoir Tanger est une acquisition impromptue, survenue au Salon du Livre à Livre Paris, lorsque je me suis fait alpaguer par une éditrice absolument passionnée, devant laquelle je me suis au passage proprement illustrée (Elle : Vous voulez que je vous parle du livre? / Moi : Si vous l'avez lu, oui, je veux bien / Elle : euh... -> question la plus stupide à poser à un éditeur).
Devant son enthousiasme à évoquer l'intrigue, l'écriture, le contexte et les thèmes abordés, je me suis laissé convaincre, ce qui m'amène à vous parler aujourd'hui de ce roman de Ralph Toledano, publié chez La Grande Ourse.



Le synopsis

Edith retourne à Tanger, qu'elle a dû quitter dix ans plus tôt, pour renouer avec l'histoire de sa famille, se recueillir sur la tombe de son père, avant de s'unir à Tullio, aristocrate romain avec lequel elle partage un amour de l'art, de l'histoire et des jardins, mais qui est catholique, alors qu'Edith est juive. Auprès de sa mère et de sa tante Tita, elle explore les vestiges du passé et la richesse des traditions transmises par ses ancêtres.

Mon avis

La première chose à dire de Revoir Tanger, c'est l'extrême élégance de la prose. Le style se marie admirablement au cadre, il y a dans les mots choisis un raffinement qui reflète l'univers dans lequel évolue Edith, et qui, s'il est fascinant, et aussi assez clivant pour le lecteur (je reviendrai sur ce point, qui constitue à mon sens la critique majeure que l'on pourrait lui adresser).

Edith est décrite à la fois comme une jeune femme très cultivée, remarquablement belle et distinguée, pourtant certains de ses proches lui suggèrent de s'apprêter davantage, d'apporter plus de soin à son apparence qui semble être simple, par rapport à son environnement, ce qui contribue à la rendre plus humaine, et plus accessible que sa mère par exemple, avec laquelle une distance se crée naturellement. Edith est à la fois passionnée et mesurée, amoureuse de Tullio et soucieuse de ne pas contrevenir aux traditions. Ses discussions avec Tita permettent d'explorer ses racines, la richesse de ses origines et leur noblesse, car Tita incarne un passé grandiose et digne, dont Edith s'efforce d'être à la hauteur.

Le roman a le grand mérite d'aborder le sujet des divergences de confession à l'heure actuelle, et de ce que de tels choix individuels impliquent, dans la trajectoire de leur famille et l'acceptation quémandée des proches. Il ne verse pas dans la facilité, et analyse tout ce qui semble entraver cette union peu intuitive.

Concernant le cadre, comme évoqué, il est fastueux, l'auteur excelle à peindre les couleurs, les odeurs, tout ce qui révèle le lustre de cette famille ancienne où l'héritage est lourd et opulent.

En dépit de toutes ces belles qualités, j'ai ressenti une certaine exclusion à la lecture, car si, comme Astrid, cousine d'Edith, on se trouve être peu familier avec la religion juive et tout ce qu'elle incarne, on peut facilement voir dans certains passages un hermétisme, une sorte d'entre-soi sciemment cultivé qui manque de générosité. On ressent d'ailleurs fortement le parti pris de l'auteur au travers des portraits qu'il fait des différents personnages : il est sensible qu'il condamne fermement le pragmatisme et la modernité d'Astrid, et exalte au contraire les dispositions d'Edith et de Tita, infiniment plus respectueuses du passé en particulier.

Revoir Tanger est donc un roman très intéressant, somptueusement écrit, qui donne envie de découvrir d'autres ouvrages de l'auteur. Ce qui tombe bien : il a également écrit Un prince à Casablanca, qu'il va falloir que je me procure.


Pour vous si...
  • Vous avez un goût prononcé pour les styles sophistiqués
  • Vous savourez les romans qui vous parlent de la transmission, de la richesse de l'histoire et des arts

Morceaux choisis

"Edith avait de jolies mains aux doigts longs et aux ongles délicats. Dans les instants de doute, elle les contemplait. Leur harmonie lui donnait une image apaisante de son existence, celle de la distinction de ses origines et de la sereine clarté de son futur."

"Le vendeur s'était dirigé vers lui avec obséquiosité et lui avait demandé : What is your pleasure, sir? L'homme avait répondu : My pleasure is fornicating, but I would need a grey hat." (ah ah)

"Astrid avait raison. Il existe une course au pouvoir à l'intérieur des couples. Seule une intelligence profonde et une liberté intérieure permettent d'entrevoir la vanité de cette lutte."

"Astrid ne concevait pas que la sagesse de Perla reposât sur une base religieuse, car l'ignorance que la future mariée avait de la tradition juive ne lui permettait pas d'en soupçonner la richesse."


Note finale
3/5
(cool)

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