jeudi 23 juin 2016

Abraham et fils, Martin Winckler

Le dernier Martin Winckler!
Découvert il y a précisément un an avec La maladie de Sachs, il s'agissait d'un auteur qui m'avait intriguée et désarçonnée, de par la complexité de la construction narrative de son roman. 
Abraham et fils m'est parvenu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices, et promettait une lecture assez différente. 


Le synopsis

Abraham Farkas, médecin immigré d'Algérie, s'installe avec Franz, son fils de dix ans, dans la petite ville de Tilliers, après la mort de sa femme qu'il prend soin de ne pas évoquer à Franz, lequel n'a aucun souvenir de son passé. Peu à peu, ils s'intègrent dans la communauté, et lui découvrent une histoire riche et dense.


Mon avis

Abraham et fils est un long roman dans lequel on se promène, où l'on vagabonde sans être assommé par la pression d'une intrigue au mécanisme aussi implacable que celui d'une horloge.

Il y est question de la relation d'un père et de son fils, bien entendu, mais il y a plus encore : leur intégration dans la ville de Tilliers, le halo de mystère qui enveloppe l'accident dont a été victime Franz et qui a causé la mort de sa mère, et, de fil en aiguille, le passé de la ville, l'histoire des occupants de la demeure habitée par les Farkas durant l'épisode de la Seconde Guerre Mondiale.

Les personnalités respectives d'Abraham et de Franz sont attachantes : le père, de par son dévouement à son fils, et la honte qu'il porte liée à la disparition de sa femme, de par son humanité également, à l'égard de ses patients bien entendu, mais aussi de tous ceux qui croisent sa route. Le fils, de par son insatiable appétit pour la lecture, ses misères d'écolier et ses questions parfois presque adultes.

Les autres caractères sont eux aussi très vivants : Claire et Luciane en premier lieu, et ceux qui gravitent alentour, Gérald, Frank Frock et Hans von Homer, le capitaine, Pierre Barrault, et, bien sûr, Marie et Marcel.

Dans la vie quotidienne d'Abraham et Franz, il y a les non-dits, tout ce qui flotte autour de ce passé tu et dont Franz a tout oublié, il y a tout cet amour qui les lie l'un à l'autre, qui les préserve et les isolerait presque du reste du monde, et puis il y a les menues aventures de tous les jours : les échauffourées à l'école, les patients et les maux qui les troublent, mais aussi les fantômes qui hantent les lieux et les vivants.
Comme Franz, on se passionne bientôt pour la correspondance entre Marie et Marcel, pour leur romance brutalement interrompue, et l'on se prend à vouloir dénicher la vérité derrière ce triste fait divers dans la France occupée de 1942.
La façon dont l'auteur nous guide vers les diverses révélations est habile, car à ce point du roman, elles interviennent davantage comme des éclairages sur la psychologie des personnages telle qu'on l'a appréhendée jusque-là, que comme un dénouement classique qui assimilerait l'ensemble à une sorte d'enquête tout au plus.

Abraham et fils constitue un livre qui se lit sans peine, qui porte le lecteur au fil des pages et l'introduit à des protagonistes cohérents et sensibles. Un agréable moment en perspective, n'est-il pas?

Pour vous si...
  • Vous aimez que l'on vous emporte dans un quotidien fait de diverses choses, depuis les plus anodines jusqu'à de plus fascinantes, mêlant ainsi le banal et la péripétie
  • Vous vous intéressez / êtes nostalgique des années 1960

Morceaux choisis

"De la fenêtre de la clinique, j'apercevais, entre les arbres, le bleu de la mer, et je savais ce qu'étaient la mer, les vagues, les nuages et les tempêtes mais j'avais oublié le nom de la ville où nous nous trouvions. Je ne me souvenais même pas de mon nom."

"Je me suis ennuyé furieusement.
Furieusement, j'aime bien ce mot. Mais je déteste m'ennuyer, furieusement ou non."

"L'aventure est partout. Partout, chaque jour, il y a des occasions de faire du bien, d'aider quelqu'un qui souffre, de réparer une injustice.
Impossible? Peut-être. Mais c'est cet impossible qui m'intéresse."


Note finale
3/5
(cool)

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