mercredi 22 juin 2016

L'origine de nos amours, Erik Orsenna

Le prix Orange du livre a été décerné cette année à Vincent Message (dont je vous parlais ici), pour son roman Défaite des maîtres et possesseurs (que je vais tâcher de me procurer au plus vite).

Erik Orsenna était le président du jury. 
Ce qui, naturellement, m'a fait réaliser que j'avais peu lu de son oeuvre.
Son dernier roman, L'origine de nos amours, m'a mise en confiance, de sorte que je me suis embarquée dans la lecture. On sous-estime beaucoup trop le pouvoir insidieux des vieux escaliers en marbre. 


Le synopsis

De concert avec son père, le protagoniste, Eric, investigue la mécanique du cœur. Ensemble, ils évoquent leurs peines, les complications que la vie leur oppose, et la malédiction dont les hommes de la famille seraient frappés, qui vouerait leurs amours à l'échec. 

Mon avis

Le roman d'Orsenna a des accents de poésie et de nostalgie.

Il y a de l'art et du cœur dans la façon dont le narrateur délie les langues, la sienne et celle de son père, ouvrant la voie aux histoires enfouies dans le passé, dont on interroge la part de véracité et la part de mythe.
Entre les deux hommes, l'infortune amoureuse crée bientôt un pont que rien d'autre n'a su bâtir, si bien que c'est ce qui parvient à les rapprocher alors qu'ils parviennent tous deux à une forme de maturité. Il est touchant de voir le regard du vieil homme se porter avec angoisse presque sur son fils, lui qui redoute plus que tout que le mauvais sort frappe sa descendance, et qui attend sans cesse des preuves de bonheur conjugal pour croire enfin que la malédiction est conjurée.

La fluidité du récit m'a rappelé ce sentiment de facilité délicate éprouvé à la lecture du dernier roman de Philippe Claudel, L'arbre du pays Toraja, dans un contexte très différent, mais où le lecteur était également entraîné dans la vie quotidienne du narrateur sans ressentir la moindre aspérité.
On découvre, au détour des paragraphes, des réflexions d'apparence simple et cependant pleines de sens, qui dépassent le seul roman pour tisser des liens avec notre propre vie.

En parallèle des pensées collectées, l'exploration se tourne vers les racines des deux hommes, et leur ascendant émigré à Cuba, où la malédiction a pris corps. C'est alors une nouvelle atmosphère, un monde qui s'ouvre, et où l'on se plaît ; j'ai seulement déploré que l'on ne s'y hasarde pas davantage.

L'origine de nos amours est un roman doux, qui interroge avec philosophie les vagabondages amoureux, mais aussi les liens entre un homme et son père.


Pour vous si...
  • Vous avez toujours su que les échecs amoureux n'étaient pas vraiment du fait de votre drôle de caractère, mais provenaient plutôt d'un maléfice contracté par un lointain arrière grand oncle, ah le salaud.

Morceaux choisis

"Et puis un jour, j'avais vingt-huit ans, lui cinquante, nous avons divorcé la même semaine.
Je suis parti seul me refaire une santé dans notre île de Bréhat. Pour retrouver des forces, rien ne vaut la proximité de la mer. Peut-être parce que toute vie vient d'elle. Il doit nous rester une très lointaine mémoire de cette énergie première."

"Un bref émerveillement devant les derniers boutons du double rosier Iceberg. Comment s'allient, sous la beauté et peut-être pour la faire naître, la fragilité et l'obstination à trouver la lumière...
C'est ainsi que me revint, d'abord timide puis déployée, la joie de vivre, ce très étrange sourire intérieur."

"Au délice alors ressenti de jouer avec la vérité, à cette soudaine et vertigineuse impression de liberté, j'ai deviné que désormais je ferais tout pour les éprouver à nouveau. Plus tard, allongé dans mon lit, ma lampe éteinte, je me souviens de m'être dit : quand tu mens, des ailes te poussent.
Plus rien ne t'emprisonne.
Et je suis endormi oiseau.
Ainsi naissent les vocations de romancier."


Note finale
3/5
(cool)

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