mardi 26 juillet 2016

La grande arche, Laurence Cossé

Grand succès de ce début d'année, le roman de Laurence Cossé promettait de m'offrir un cadre bien familier, ce n'est donc pas pour l'exotisme que je l'ai choisi.


Le synopsis

Depuis l'appel d'offres lancé sous Mitterrand jusqu'en 2015, l'histoire de la Grande Arche de la Défense est racontée à partir du point de vue des coulisses, où l'on assiste aux multiples pérégrinations qui ont mené à l'édification de l'Arche. 

Mon avis

La grande Arche promet une expérience inédite !

Ne vous attendez pas à un roman classique : ici, les personnages sont bien réels (ou l'ont été), et la protagoniste est l'Arche elle-même, depuis son état embryonnaire d'idée folle dans l'esprit original de Spreckelsen le Danois, jusqu'à sa forme finale, toujours en évolution d'ailleurs, puisqu'elle fait actuellement l'objet de nouveaux travaux.

Le contexte politique est intimement lié au projet de construction de l'Arche, l'auteur détaille donc par le menu les jeux de pouvoir qui ont un impact direct sur l'avancement des travaux, relatant au passage des anecdotes amusantes qui révèlent la personnalité des uns et des autres, le goût de Mitterrand pour le poirier (le bois), notamment.

Le choc des cultures est au cœur du projet, et concentre à ce titre des pages très intéressantes : on y voit Spreckelsen, ce Danois inconnu dont l'esquisse a été retenue à l'issue du concours organisé par la France, se heurter aux mœurs très françaises qui lui sont hermétiques : on voit à travers ses yeux la grandeur et la recherche de l'esthétisme, auxquelles s'opposent les contingences techniques et la politique. Ainsi, lors de l'alternance, le projet, qui doit engager des millions, se retrouve menacé : la droite au pouvoir veut faire des économies, et mettre un coup d'arrêt aux grands travaux initiés depuis que Mitterrand est président.
Paul Andreu, qui seconde Spreckelsen, tâche de respecter à la fois ses ambitions, sa vision, et les réalités très pragmatiques avec lesquelles il faut composer.

Toutes les étapes permettent de voir se dessiner l'Arche peu à peu, dont le projet initial est graduellement remanié, on découvre les débats sans fin sur les matériaux à utiliser, sur les imprévus et le défi technique.
L'on suit aussi Spreckelsen, qui se retire avant que l'Arche ne soit terminée, et meurt sans jamais la voir aboutie.

L'approche de l'auteur est très intéressante, car l'on a du mal à croire, au premier abord, qu'un livre puisse s'écrire qui prenne pour sujet l'édification de l'Arche. Pourtant, le récit prend et absorbe, et l'on réalise bientôt quelle aventure cela a dû être, et qu'un tel monument, aujourd'hui emblématique et évident, a mobilisé des espoirs, de l'énergie et de l'argent pendant des années.

C'est très documenté, l'auteur ne se prive pas d'employer çà et là une touche d'ironie, en un mot, c'est édifiant.

Pour vous si...
  • Pour vous, ADP n'est pas qu'un logiciel de paie
  • Les Danois ne vous mettent pas mal à l'aise (et vous comprenez que les Français provoquent chez eux ce genre de ressenti)

Morceaux choisis

"Près de la station RER La Courneuve-Aubervilliers, dans un quartier qui doit représenter pour les diplomates français un dépaysement plus grand qu'une affectation de l'autre côté de la planète, les archives du ministères des Affaires étrangères occupent un bâtiment neuf, un délicat bunker dans les tons rosés signé Henri Gaudin."

"Belle à couper le souffle. Colossale, mais pas tant que ça. D'un blanc de neige sur le bleu du ciel. Éblouissante, au sens premier, à faire mal aux yeux. De proportions parfaites, c'est peu dire : la perfection posée.
Nécessaire. Empêchant aujourd'hui d'imaginer un autre monument à cet endroit clé."

"Pour ceux qui l'auraient un peu oublié, le béton précontraint figure au nombre des fiertés françaises, avec le romanée-conti, la cathédrale de Chartres, le N°5 de Chanel et bien d'autres."

"Il n'empêche que l'Arche a quelque chose de sacré. L'artiste n'est pas seul aux commandes et, de même que le lecteur coécrit le roman avec son auteur, le passant qui s'approche de l'Arche est sensible à sa grandeur spirituelle, grandeur qu'il y projette largement, peut-être : mais c'est que l'artiste a appelé cette projection."

Note finale
3/5
(cool)

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