jeudi 28 juillet 2016

Le mystère Henri Pick, David Foenkinos

Le dernier David Foenkinos!
Il faut dire que parmi le palmarès des auteurs parfois qualifiés de légers, et qui sont abonnés aux best-sellers, Foenkinos est mon petit préféré. La délicatesse avait fait chavirer mon cœur de pierre, et Le potentiel érotique de ma femme m'avait gonflée de bonne humeur pendant plusieurs jours. Puis, Nos séparations, En cas de bonheur et Les souvenirs m'avaient fait sourire, sans déclencher cette fois d'engouement particulier.
Avec Charlotte, il a démontré qu'il était capable de s'attaquer à un sujet "sérieux".
Dans son dernier roman, il nous propose un mystère à résoudre, dans le monde merveilleux de la littérature contemporaine.


Le synopsis

En Bretagne, un passionné décide de créer une bibliothèque des refusés, où les auteurs éconduits ont la possibilité de déposer leur manuscrit s'il n'a pas trouvé d'éditeur.
A sa mort, les dépôts se raréfient, jusqu'à ce qu'un couple de jeunes parisiens, Frédéric, écrivain lui-même, et Delphine, son éditrice, tombent sur un manuscrit qui leur apparaît comme un chef d'oeuvre. L'auteur serait un certain Henri Pick, autrefois gérant de la pizzeria de la ville, aujourd'hui décédé.
Delphine et Frédéric organisent une rencontre avec la veuve d'Henri Pick pour lui apprendre l'existence de ce manuscrit, et solliciter sa publication.

Mon avis

Avec son roman, Foenkinos surfe sur une vague très actuelle : le nombre stupéfiant de manuscrits reçus par les maisons d'édition qui rencontrent un refus, et derrière, le nombre croissant d'aspirants écrivains, tant d'appelés pour si peu d'élus, et l'accès extrêmement sélectif à la publication, ce Graal tant espéré.

Si le sujet est séduisant, j'avais pu constater avec Au paradis des manuscrits refusés qu'il était tout à fait possible de ne pas en faire grand chose, et de sous-exploiter le potentiel de ce thème très intéressant.

Foenkinos propose un traitement plus approfondi, au moyen d'une trame qui se présente sous forme d'une enquête, puisque derrière le retentissant succès rencontré par le roman signé d'Henri Pick, se profile la question qui soutient le roman de bout en bout : comment Henri, qui n'a jamais manifesté la moindre prétention littéraire, a-t-il pu écrire un roman fulgurant?

L'apparence est ludique et attractive, on retrouve le sens de la formule propre à Foenkinos, si bien que l'on est facilement pris par l'intrigue, ainsi que par les personnages amusants et relativement communs.

Parmi les points positifs, j'ai apprécié les réflexions que sous-tend le récit : monsieur tout-le-monde peut-il cacher toute sa vie durant une passion dévorante, et se révéler l'auteur d'un chef d'oeuvre? Quelle est la place du marketing dans l'appréciation d'un livre, et dans son succès auprès des critiques et du public?
La réponse apportée par l'auteur peut sembler un brin cynique, mais n'est pas dénuée de bon sens (je ne peux malheureusement pas vous en dire plus sans gâcher le suspense).

Justement, en parlant de suspense, j'en arrive à un point qui m'a plutôt gêné dans la lecture, mais qui ravira nombre d'autres lecteurs, j'en suis certaine : le choix d'une intrigue à mystère, avec des rebondissements et une révélation finale. Face au succès colossal des polars et autres thrillers, de plus en plus de romans adoptent cette approche, si bien qu'une chute semble devoir clore tout récit. J'y vois justement une tentation "commerciale" déborder sur l'ambition du récit, au risque de la mettre en péril. L'issue finale tombe ici à point, mais l'intervention du personnage de Jean-Michel Rouche pour y parvenir m'a semblé par exemple un peu factice. Par ailleurs, les évidents rapprochements opérés entre les protagonistes semblent répondre à une tentation très foenkinienne, mais n'ont pas toujours beaucoup d'intérêt.

En somme : le roman est de bonne facture, relativement efficace, répond d'une certaine manière à un "cahier des charges", mais en cela, manque aussi un peu d'âme, et j'ai eu le sentiment de facilités par moment déjà rencontrées dans l'oeuvre de l'auteur, et qui ne constituent pas son principal atout. Sans doute David pourrait-il appliquer la devise de Faulkner, selon laquelle, "in writing, you must kill all your darlings"?


Pour vous si...
  • Vous êtes à la recherche d'un roman divertissant pour vos sorties plage
  • Vous aussi avez été déçu par le roman d'Irving Finkel, et ne seriez pas contre une séance de rattrapage un peu plus aboutie sur le même thème

Morceaux choisis

"Certains écrivains traversaient la France pour venir se délester du fruit de leur échec. Cela pouvait s'apparenter à un chemin mystique, la version littéraire de Compostelle. Il y avait ainsi une grande valeur symbolique à parcourir des centaines de kilomètres pour mettre un terme à la frustration de ne pas être publié. C'était une route vers l'effacement des mots."

"On croit que le Graal est la publication. Tant de personnes écrivent avec ce rêve d'y parvenir un jour, mais il y a pire violence que la douleur de ne pas être publié : l'être dans l'anonymat le plus complet. [...] Publier un roman qui ne rencontre pas son public, c'est permettre à l'indifférence de se matérialiser."

"Le premier roman est toujours celui d'un bon élève. Seuls les génies sont d'emblée des cancres."


Note finale
2/5
(pas mal)

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