vendredi 12 août 2016

Je dirai malgré tout que cette vie fut belle, Jean d'Ormesson

Le dernier d'Ormesson!
Jean est toujours amusant sur les plateaux télé et dans les émissions de tout ordre, un sourire malicieux en coin, ne tarissant pas de modestie pour parler de lui, au point que cela semble pour beaucoup suspicieux.
Son roman, sous un format inédit, tient de l'autobiographie : une lecture idéale pour ce mois d'août.


Le synopsis

L'auteur partage ses mémoires, sous forme d'un procès dont il est à la fois le juge et l'accusé. Les attaques dont il a pu faire l'objet sont ainsi retranscrites, et l'auteur trouve là l'occasion de répondre, d'expliquer, et de convoquer le passé. On croise ainsi les plus grands intellectuels et écrivains du siècle, les personnalités que Jean d'Ormesson a côtoyées de près ou de loin, une réflexion sur le temps qui passe, un hymne à la littérature au travers des poètes qu'il aime passionnément, à l'instar d'Aragon, et, d'un bout à l'autre, un hymne aux plaisirs de la vie. 

Mon avis

Qu'il est plaisant de revisiter, Jean à son côté, une grande partie du XXe siècle!

Il nous raconte la Roumanie et le Brésil de son enfance, l'amour maternel, Henri IV et Ulm, son indécision d'étudiant, le journalisme, l'UNESCO, son mariage avec Françoise, l'accession à la direction du Figaro, l'écriture et ses déboires, son entrée à l'Académie française, ou encore ses conversations avec Mitterrand.

Il y a dans son ton comme une légèreté qui, je le présume, prête le flanc à ses détracteurs, car il semblerait qu'il s'amuse de tout, qu'il est spectateur de l'Histoire qui se joue, et qu'il n'aime rien tant que papillonner entouré de figures emblématiques de la scène intellectuelle et politique de son époque.

Cependant, l'auteur apporte aussi de la perspective, et, partant, une profondeur à son texte, car nombre de réflexions ponctuent les anecdotes qui se succèdent, au-delà de la nostalgie évidente qui se dégage des souvenirs brandis : sur le temps et sur l'amour, en particulier.

La langue est belle, musicale, raffinée, on se laisse porter par son rythme, et l'enthousiasme vibre entre les lignes, qu'il soit question de littérature ou des êtres croisés çà et là. Le titre, issu d'un poème d'Aragon, semble dire qu'il s'agit d'apporter une nouvelle pierre à l'édifice romanesque de l'auteur, après C'est une chose étrange à la fin que le monde et Un jour je m'en irai sans en avoir tout dit, deux alexandrins provenant du même poème, qui se trouvent être les titres de deux autres de ses romans, pour lesquels je conçois désormais, vous le comprendrez, la plus grande curiosité.

Pour finir, tout le débat autour de la modestie, réelle ou feinte, de l'auteur, m'est somme toute de peu d'intérêt. Le lire me transporte, me surprend, m'amuse et me fait réfléchir ; je ne demande rien d'autre.


Pour vous si...
  • Vous aimez que les anciens vous racontent des histoires
  • Vous êtes d'amateur de romans où l'on se laisse porter par la plume littéraire de l'auteur

Morceaux choisis

"Il me semble le plus souvent inventer ce que je prétends me rappeler. On a plus d'une fois accusé mes romans d'être des espèces de Mémoires. Si j'écrivais mes Mémoires, ils seraient un roman. Je me souviens du passé avec désinvolture. Je prépare l'avenir avec une sorte de nonchalance. Je ne vis que dans le présent. Mon témoignage sera suspect de partialité et d'invention."

"Je compris aussitôt, pour la première fois avant d'innombrables expériences encore à venir, que notre passage dans ce monde était un rêve fragile et que l'histoire se chargeait avec une rigueur impitoyable non seulement de préparer du nouveau, mais de réduire à néant tout ce passé éphémère qui se confondait avec nous."

"Ce qu'il faut dire, flambeau du monde, c'est qu'il n'y a rien d'autre que l'amour. Pour moi, comme pour Stendhal, comme pour beaucoup, j'imagine, l'amour a été la lus grande affaire de ma vie. Et peut-être la seule. J'ai aimé le soleil, la lumière - la Méditerranée, surtout, notre mer intérieur-, le ski au printemps, les livres, les chats, le cassoulet, les oliviers. J'ai surtout aimé l'amour. [...] Je comprends tr_s bien qu'il tourne la tête et les cœurs. Ce que quelques-uns cherchent dans les livres, dans la musique, dans le spectacle de la nature, dans le pouvoir ou dans l'argent, dans la drogue ou la mystique, l'amour le donne à chacun d'entre nous. Dans le sexe et hors du sexe, il offre à chacun le plus fort et le plus beau sentiment d'éternité qu'il nous soit permis de connaître. Il nous transporte au-dessus de nous-mêmes, il nous fait comme rois et possesseurs du monde, il frappe tout ce qui n'est pas lui d'insignifiance et de nullité. Avec le déshonneur, la ruine, la douleur physique ou morale, il nous fournir un des seuls motifs de mettre fin à notre vie."

"Le frère d'André, Antoine, dont le domaine était la musique, avait épousé une Espagnole, fille elle-même de diplomates. J'écris son nom en tremblant. Je ne l'ai plus jamais prononcé, enfouissant son souvenir dans un oubli honteux, le faisant apparaître ici ou là sous le masque de C. Elle s'appelait Charete." (No comment)

"L'Académie est une institution très illustre, au caractère indéfinissable, mi-indépendante, mi-publique, qui n'a que des rapports accidentels et lointains avec la littérature. De Corneille et Racine, de La Fontaine et Voltaire à Chateaubriand et Hugo, elle brille par ses choix, et de Molière et Rousseau à Baudelaire, à Zola, à Aragon, elle brille par ses erreurs."

"Faire de la politique consiste à être persuadé qu'on a raison et que les autres ont tort. J'étais trop rarement de ma propre opinion pour m'engager dans cette voie."


Note finale
3/5
(cool)

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