mardi 9 août 2016

La cigale du huitième jour, Mitsuyo Kakuta

Voici un titre tout à fait improbable. Et, comme toujours, la clef de mystère se trouve dans la lecture. Je me suis donc attaquée au roman de Mitsuyo Kakuta bien décidée à en découdre avec les cigales.



Le synopsis

Econduite par son amant, un homme marié avec qui elle a eu une liaison et qui l'a convaincue d'avorter, et qui a eu par la suite un enfant avec sa femme qu'il lui avait promis de quitter, Kiwako entre un jour par effraction dans le logis du couple en son absence, et vole leur bébé.
C'est une petite fille, qu'elle renomme Kaoru, et qui va, dès lors, devenir sa raison de vivre. En cavale à travers le pays, elle trouve refuge dans une communauté qui lui permet d'oublier son identité et son passé. Jusqu'au jour où ce dernier la rattrape.  

Mon avis

La cigale du huitième jour est un récit inattendu : piquer un bébé, mais quelle drôle d'idée! Quand on voit tous ces pauvres parents qui rêveraient de se débarrasser du leur, on se demande pourquoi une personne saine d'esprit voudrait se rendre coupable de voler ça.

Mais bon, dès les premières pages, le méfait est commis, et il faut dire que l'on a bien envie de savoir ce qui va advenir.

Le récit explore très finement la psychologie des différents protagonistes, et s'attache à ne pas sombrer dans une forme de manichéisme : si le rôle des médias dans l'affaire est clairement évoqué, on est amené à voir les faits tour à tour depuis le point de vue de Kiwako, de Kaoru/Erina une fois qu'elle est parvenue à l'âge adulte, mais aussi, par son biais, depuis celui de ses parents.

C'est sans doute ce qui est le plus inhabituel : les perceptions sont confrontées, si bien qu'en dépit des allégations des uns et des autres, il est difficile, dans la position de lecteur, de juger ces protagonistes, en les voyant comme bons ou mauvais. L'acte de Kiwako est insensé, mais ce qu'elle a enduré peut expliquer son geste irrationnel. La mère d'Erina se montre odieuse envers Kiwako, cependant on discerne aussi la blessure que lui a infligée son mari en la trompant, et qui l'a conduite à la méchanceté. Il n'y a que le mari qui, somme toute, demeure assez lointain, comme un personnage secondaire, si bien qu'il fait figure d'homme faible et manipulateur, qui néanmoins tâche de reconstruire sa famille une fois qu'Erina est retrouvée, et accepte la distance imposée par sa femme.

Le lien entre Kiwako et Kaoru/Erina est intriguant et émouvant. La tendresse se lit dans les gestes au quotidien, les actes de Kiwako pour garder Kaoru auprès d'elle, les choix qui lui portent préjudice mais permettent de prolonger leur temps ensemble (à l'instar de l'intégration dans Angel Homes).

La dernière partie du roman, qui se consacre à la vie d'Erina adulte, à sa grossesse et à son "pèlerinage" avec Chigusa, qu'elle avait rencontrée justement à Angel Homes, apporte une certaine profondeur, du recul, et a l'intérêt de montrer l'évolution du jugement d'Erina à l'égard de sa famille, de son enlèvement, et de la "méchante femme" qui en était à l'origine.

La lecture est fluide, les personnages nuancés et entiers, l'illusion est complète.
Et l'analogie avec les cigales est tout à fait emblématique de la poésie japonaise. 

Pour vous si...
  • Un roman qui se défait de tout manichéisme vous fait envie
  • Vous vous demandez bien quel peut être le lien entre l'histoire et son titre

Morceaux choisis

"Les cigales restaient sept ans sous la terre et une fois dehors elles mouraient le septième jour. J'ignorais si tout cela était vrai mais je me souvenais du choc que j'avais ressenti en entendant cette histoire pour la première fois. Etonnée qu'après une si longue attente la cigale ne disposât que d'une si courte vie."


"Depuis que je suis adulte, je vois les choses différemment. Si toutes les cigales meurent au bout de sept jours, ce n'est pas spécialement triste. C'est la même chose pour toutes. Aucune ne se demande pourquoi elle doit mourir si tôt. En revanche, alors qu'elles meurent toutes le septième jour, si l'une d'elles survit et reste seule tandis que toutes les autres sont mortes...Alors là, oui, c'est triste."


"En fait, c'esty différent, la cigale du huitième jour va peut-être découvrir des choses que les autres n'ont pas vues. On peut penser qu'elle refuse de voir, mais je pense qu'il n'existe pas que des choses horribles donnant envie de fermer les yeux."


Note finale
3/5
(cool)

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