mardi 15 novembre 2016

Americanah, Chimamanda Ngozi Adichie

Il y a longtemps que je devais lire Americanah
D'abord, parce que le roman a été plébiscité par la critique et le lectorat, et ensuite, parce que son auteur (au nom difficile à retenir pour la lectrice sédentaire et étriquée que je suis), Chimamanda Ngozi Adichie (n'y voyez pas quelque crânerie de ma part, j'ai copié collé) m'avait bluffée dans son intervention sur le féminisme dans cette géniale vidéo de TED, je l'y avais trouvée charismatique, drôle, fine, pertinente.
Bref, je ne pouvais pas continuer à être fan sans avoir lu au moins l'un des romans qui l'a consacrée sur la scène littéraire internationale. 


Le synopsis

Ifemelu a quitté le Nigeria pour faire ses études aux Etats-Unis. Au gré des rencontres, elle porte un regard extérieur et néanmoins acéré sur la société américaine. Le blog qu'elle tient autour des sujets liés à la race obtient bientôt une notoriété, et relate son expérience quotidienne, ainsi que les préoccupations actuelles d'une femme africaine dans le pays de tous les espoirs.

Mon avis

Pffffffff....... Vraiment, quel bouquin!!!
Voilà un roman qui a de l'envergure, de l'ambition, de l'insolence, et un sens aiguë des réalités sociales.

La forme est relativement novatrice, puisqu'elle intègre certains articles du blog dont Ifemelu est l'auteur, qui illustrent le récit et donnent directement accès à ses pensées, à ses réflexions, à ce qui l'indigne en particulier, ou nourrit chez elle une certaine colère.
Car la personnalité d'Ifemelu est extrêmement intéressante, de par ses opinions parfois tranchées, une intransigeance qui la caractérise, et sa façon naturelle de parler de ce qui la préoccupe, sans chercher à ménager quiconque, en utilisant un registre presque oral, qui retranscrit bien sa spontanéité.

Le récit, par ailleurs, relate les tribulations quotidiennes d'Ifemelu, ses amours bien sûr, qui occupent une place importante dans sa vie, le regard porté sur les questions liées à la race, à l'immigration, les liens entretenus avec sa famille demeurée au Nigeria, et sa relation ambiguë avec son pays d'origine, qui n'a rien de simple, y compris une fois qu'elle y retourne pour s'y installer.

Le sujet de la race est abordé dans Americanah en déjouant le piège du politiquement correct, car l'auteur n'hésite pas à prêter à Ifemelu des postures que j'ai pour ma part peu l'habitude de croiser dans la littérature, et à mobiliser pour cela y compris des figures politiques actuelles identifiables par les lecteurs (à l'instar de Barack Obama, pour le plus abordable, mais d'autres également).

A titre d'exemple, Ifemelu revendique à plusieurs reprises avoir découvert la race en arrivant aux Etats-Unis, et explique qu'elle ne se sentait pas noire avant de mettre le pied en Amérique. 

Autre point intéressant, Ifemelu dénonce l'indulgence à laquelle l'invitent certains de ses comparses, considérant que les inégalités observées par le passé n'ont plus cours, et que la situation s'est améliorée durant les dernières décennies pour les noirs en Amérique : elle souligne que ces inégalités n'auraient simplement pas dû exister, et qu'un tel constat n'est donc ni suffisant, ni satisfaisant. 

Le style est très vivant, riche, il nous introduit dans le quotidien d'Ifemelu et nous emporte avec lui. 

Il va sans dire que je vais m'atteler aux autres romans de Chimamanda prochainement, dont je n'ai pas fini de vous parler!


Pour vous si...
  • Vous êtes curieux de découvrir ce qui sera sans doute l'un des grands romans du XXIe siècle
  • Cerise sur le gâteau, si vous êtes amateur de littérature africaine actuelle, vous ne serez pas déçu!

Morceaux choisis

"Alexa, et les autres invités, peut-être même Georgina, comprenaient tous la fuite devant la guerre, devant la pauvreté qui broyait l'âme humaine, mais ils étaient incapables de comprendre le besoin d'échapper à la léthargie pesante du manque de choix. Ils ne comprenaient pas que des gens comme lui, qui avaient été bien nourris, n'avaient pas manqué d'eau, mais étaient englués dans l'insatisfaction, conditionnés depuis leur naissance à regarder ailleurs, éternellement convaincus que la vie véritable se déroulait dans cet ailleurs, étaient aujourd'hui prêts à commettre des actes dangereux, des actes illégaux, pour pouvoir partir, bien qu'aucun d'entre eux ne meure de faim, n'ait été violé, ou ne fuie des villages incendiés, simplement avide d'avoir le choix, avide de certitude."

"Seul un Nègre Magique peut gagner une élection américaine. Mais qu'est-ce qu'un Nègre Magique, me demanderez-vous? L'homme noir qui est constamment sage et bon. Qui ne réagit jamais malgré de grandes souffrances, ne se met jamais en colère, ne profère jamais de menaces. Il pardonne toujours toutes les insultes racistes. Il enseigne au Blanc comment briser le triste mais compréhensible préjugé qui est dans son cœur. Vous voyez un tel homme dans de nombreux films. Et Obama sort directement de ce casting."

"Quantité de gens - généralement non noirs - disent qu'Obama n'est pas noir, qu'il est biracial, multiracial, noir et blanc, tout sauf simplement noir.  Parce que sa mère était blanche. Mais la race n'est pas de la biologie ; la race est de la sociologie. La race n'est pas un génotype ; la race est un phénotype. La race compte à cause du racisme. Et le racisme est absurde parce qu'il concerne uniquement l'apparence. Pas le sang qui coule dans vos veines. C'est une question de couleur de peau, de forme du nez, de cheveux crêpus. Booker T. Washington et Frederick Douglass avaient des pères blancs. Imaginez-les disant qu'ils n'étaient pas noirs."

"Americanah! la taquinait Ranyinudo. Tu vois les choses avec des yeux américains. Mais le problème est que tu n'es même pas une véritable Americanah. Si au moins tu avais un accent américain, nous pourrions tolérer que tu te plaignes."

Note finale
4/5
(excellent)

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