jeudi 26 janvier 2017

Numéro 11, Jonathan Coe

Je poursuis cette semaine avec les dernières parutions d'auteurs que j'aime bien, et aujourd'hui, c'est le tour de Jonathan Coe!
Auteur de l'excellent Bienvenue au club, Testament à l'anglaise, La maison du sommeil ou plus récemment le formidable recueil de nouvelles Désaccords imparfaits, il figure dans mon panthéon des auteurs contemporains bien-aimés, ce qui n'est pas donné à tout le monde (et doit être, j'en suis certaine, une immense source de satisfaction dans sa vie). Cap, donc, sur Numéro 11...



Libres pensées...

Numéro 11 fait le récit entrecroisé de plusieurs personnages sur une période de temps relativement étendue : Rachel et Alison, adolescentes, s'ennuient ferme en vacances chez les grands-parents de Rachel, jusqu'à ce qu'elles soupçonnent un crime qu'elles cherchent à élucider, et dont la Folle à l'Oiseau, femme excentrique et figure effrayante qui a marqué l'enfance de Rachel, serait au cœur.
Quelques années plus tard, Val, la mère d'Alison, qui s'était fait connaître avec un tube, tente de faire un come-back en participant à une émission de télé-réalité où elle se retrouve ridiculisée et malmenée. Plus tard encore, Rachel, devenue une jeune femme, travaille pour la famille Gun, dont elle s'occupe des jumelles, et perçoit des signaux étranges et inquiétants tandis que la famille réalise des travaux de grande ampleur dans l'immeuble qu'elle possède.
Le point commun entre toutes ces tranches de vie?
Le numéro 11, qui revient comme un écho malsain et persistant, et se décline de mille façons...

Comme toujours avec Jojo, il est insupportable de tenter de rédiger un synopsis de son roman. C'est d'ailleurs l'une de ses marques de fabrique, largement éprouvée avec Bienvenue au club : le lecteur suit des personnages sans avoir la moindre idée de l'endroit où l'auteur veut l'emmener, on croirait même par moment que lui-même ne le sait pas vraiment, ou n'en est pas sûr. Ce qui, sans doute, agacera les amateurs de thrillers que seule motive l'idée de deviner l'issue du récit, mais qui, pour tous les autres, constituera un attrait : inutile de vous creuser les méninges, vous embarquez pour une expédition dont la destination n'existe sans doute pas sur la carte, alors profitez du voyage.

Dans Numéro 11 règne une ambiance particulière, que le retour sempiternel de ce numéro contribue à générer. On se croirait presque dans un cadre ésotérique, fait de mystères occultes et d'une activité paranormale dont la source serait mal identifiée, cette sensation atteignant un paroxysme dans la scène finale, où une Rachel confuse voit autour d'elle la prolifération d'araignées malfaisantes - une expérience que l'on ne voudrait pas vivre à sa place.
Autre expérience que l'on ne voudrait pas vivre : celle de Val dans l'émission de télé-réalité censée relancer sa carrière dans le show business. L'auteur s'en donne à cœur joie, et nous livre les secrets du sensationnel de ces émissions vides : tout tient dans la création de dialogues fictifs, où des bouts de discours sont montés de telle sorte que les spectateurs seront révoltés, ulcérés, ou au contraire pleinement satisfaits. Ou comment créer de la matière à partir de pas grand chose. La pauvre Val en fait les frais, puisqu'elle est désignée presque d'entrée de jeu comme la participante la moins aimée du public, et en paiera le prix. Episode qui fait un gros pied-de-nez à l'actualité et à ces émissions fleurissantes, on s'en amuse à le lire, en dépit de la frustration qu'il encourage également, et de la compassion à l'égard de Val (la naïveté ne suffit pas toujours à produire de l'indifférence, et si l'on est tenté de la taxer de légèreté en se lançant là-dedans, une fois qu'elle y est, ou voudrait tout faire pour l'en sortir...).
Alors, évidemment, en lisant cela, je ne peux que me demander si c'est vraiment ainsi que les choses se passent dans Koh Lanta et autres émissions vivifiantes? (cette fois, c'est vous qui allez me taxer de naïveté)
La pratique de scénarisation, j'arrivais à me la figurer, en revanche, procéder à des montages créant une distorsion dans la compréhension des échanges, vraiment, la prod a le droit de faire ça??? (ça me renvoie à la série Unreal et à son beau succès l'été dernier)
Laissons-là ce sujet de révolte pur et majeur (en ces temps de primaires à tout va, nul doute que c'est d'ailleurs le sujet le plus important), et passons à la suite.

Coe nous accroche avec ses personnages atypiques et néanmoins très humains, auxquels il arrive toutes sortes de tribulations.
Son style ne vieillit pas, et fonctionne toujours à merveille.
Seul bémol, en ce qui me concerne : j'avais le souvenir de récits plus captivants encore, et n'ai pas été sensible outre mesure aux effets orchestrés autour du chiffre 11, de sorte que je ressors de la lecture satisfaite, mais non séduite. Pas grave, il me reste encore quelques autres romans à découvrir, dans la bibliographie de Monsieur Coe...

Pour vous si...
  • Vous ne vous formalisez pas d'un récit qui avance selon un rythme un peu déstructuré, où l'on n'a peu de vision sur ce que l'auteur veut faire de nous (en gros : vous n'êtes pas un control freak).

Morceaux choisis

" "_Qu'est-ce que tu fais? m'a demandé Alison.
_Je cherche des indices."
Elle s'est accroupie à côté de moi. "Quel genre d'indices?"
_Je ne sais pas..." J'ai d'abord pensé à dire des traces de pas, ou des empreintes digitales, mais ça faisait un peu vieillot. Et puis je me suis souvenue d'une émission de télé que j'avais vue récemment. "De l'ADN, j'ai dit avec un bel aplomb. On trouve toujours de l'ADN sur une scène de crime.
_OK."
Nous nous sommes mises en devoir de passer les lieux au peigne fin, allant jusqu'à écarter les brins d'herbe du bout des doigts.
"A quoi ça ressemble, l'ADN?
_C'est un peu...visqueux, je crois." (Je disais absolument n'importe quoi.) "Visqueux et translucide.
_Ben je vois rien qui ressemble à ça." "

Note finale
2/5
(pas mal)

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