mercredi 29 mars 2017

Ecoute le chant du vent / Flipper, 1973, Haruki Murakami

La publication en français, l'an dernier, de deux des premiers récits écrits par Murakami, a fait grand bruit. Après le succès extrêmement mitigé de Va et poste une sentinelle, premier roman d'une autre figure de la littérature qui m'est chère (Et dire qu'elle est morte! Hélas! Que le Dieu des livres m'assiste!...), j'affichais une certaine réserve à l'égard des premiers nés du maître japonais. 


Libres pensées...

Pour être précise, il va me falloir distinguer entre les deux récits qui composent ce livre, tout simplement parce que j'en ai fait une lecture différente, et qu'ils m'ont paru inégaux.

Le premier d'entre eux, Ecoute le chant du vent, est, de ce que j'ai compris, le premier véritable roman écrit par Murakami.
Flipper 1973 a suivi, et s'inscrit dans une même direction, puisqu'il reprend certains personnages du premier volet.

Néanmoins, j'ai éprouvé de la difficulté à lire et comprendre Flipper 1973. La construction diffère, les paragraphes n'affichent pas toujours de lien entre eux, l'ensemble donne l'impression d'être décousu, on navigue sans trop savoir où, et le lien qui avait été établi dans Ecoute le chant du vent est rompu. J'ai terminé ce récit-là perplexe, ne sachant pas quoi en retirer, si ce n'est une sorte de consternation.

Il en a été tout autrement d'Ecoute le chant du vent.
Pourtant, le livre s'ouvre sur une introduction faite par Murakami, dans laquelle il détaille le contexte dans lequel les deux romans ont été écrits, quel état d'esprit les sous-tend, et l'évolution de son approche littéraire et de sa technique. Il juge assez durement son premier écrit, et, ce qui est très intéressant, raconte comment il a tâché de se débarrasser des "fioritures", de la surcharge inutile qu'il trouvait à son écriture, en écrivant en anglais, puis en traduisant ensuite en japonais : par ce procédé, la langue se trouvait simplifiée, épurée, et Flipper 1973 aurait selon ses dires était écrit consécutivement à cette expérience.
Au contraire, j'ai trouvé que Ecoute le chant du vent présentait déjà, d'une certaine façon, la "pâte Murakami" : un style très direct, dépouillé de toute emphase, où une proximité se crée immédiatement avec le protagoniste, qui a évoqué pour moi celui des Chroniques de l'oiseau à ressort, un peu égaré dans la vie, soumis à des événements et à des rencontres qui le désarçonnent, et auxquels il ne peut rien. Les figures féminines y sont souvent presque évanescentes, et pourtant très franches, on douterait de la réalité, mais elles parviennent à nouer un lien instantanément intime avec le protagoniste. Et, bien entendu, le processus d'introspection est déjà très présent, le lecteur partage les pensées du protagoniste et ses émotions (ou absences d'émotions) presque comme s'il s'agissait des siennes propres.

Murakami parle de la tendresse avec laquelle il considère ces deux écrits à ses yeux très imparfaits. Certainement, ils sont moins aboutis que son oeuvre plus tardive, mais il reste qu'il est touchant de voir les essais balbutiants d'un grand écrivain actuel, et que le livre demeure une belle introduction. 

Pour vous si...
  • Vous êtes un fan avoué ou non de Murakami
  • Vous vous intéressez aux débuts des auteurs

Morceaux choisis

"Après avoir "découvert" que j'aboutissais à des résultats intéressants en écrivant dans une langue étrangère, et que j'avais ainsi acquis mon propre rythme d'écriture, j'ai de nouveau rangé la machine à écrire et son clavier anglais dans mon armoire. Je me suis assis à ma table avec des feuilles de papier et un stylo et j'ai "traduit" en japonais ce que j'avais écrit en anglais. [...] De là s'est ensuivi nécessairement un nouveau style japonais. Un style qui, en même temps, m'était personnel. Un style que j'avais moi-même trouvé. Et je me suis dit alors : c'est bon, à présent, tu peux écrire en japonais. C'était comme si mes yeux s'étaient dessillés."

"_Pourquoi est-ce que tu lis des livres?
_Pourquoi est-ce que tu bois des bières?"

"En rentrant chez moi me revint brusquement en mémoire le souvenir de mon premier rendez-vous avec une fille. C'était sept ans plus tôt.
Pendant tout le temps où nous avons été ensemble, je crois bien que je n'ai cessé de lui demander : "Dis, tu t'ennuies pas?"
Nous étions allés voir un film avec Elvis Presley. La chanson disait à peu près :

Je me suis disputé avec une fille.
Et je lui ai écrit une lettre.
Pardon, j'ai pas été sympa.
Mais la lettre m'est revenue.
Retour à l'envoyeur, adresse inconnue.

Le temps passe vraiment trop vite."

"J'aime les puits. Chaque fois que j'en vois un, je ne peux m'empêcher d'y jeter une pierre. Il n'y a rien qui apaise davantage le cœur que le bruit d'un caillou frappant l'eau d'un puits profond."

"Quand vous aviez vingt ans, qu'est-ce que vous faisiez?
_J'étais amoureux fou d'une fille.
1969. Notre année.
_Et qu'est-elle devenue?
_Nous avons rompu.
_Vous avez été heureux?
_Rétrospectivement, commençai-je en avalant une bouchée de homard, la plupart des choses semblent belles."


Note finale
2/5
(pas mal)

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