mercredi 26 avril 2017

Comme par magie, Elizabeth Gilbert

Je crois deviner ce que vous vous dites : un roman dont la couverture rappelle férocement la Color Run, est-ce vraiment bon signe? S'expose-t-on là aussi à se faire recouvrir la tronche de résidus de peinture multicolores, et à étouffer sur la voie publique sous les rires et l'hystérie d'autres coureurs/lecteurs naïfs? Je me suis donc attelée à Comme par magie avec toutes les réserves d'usage. 


Osez me dire que ça ne ressemble pas à ça : 

Libres pensées...

Je suis en général assez dubitative à l'égard des ouvrages de développement personnel.
Pur snobisme de ma part, direz-vous?
Vous n'avez pas complètement tort, néanmoins, pour ma défense, il faut souligner que certains s'en mettent plein les fouilles en publiant des livres qui puent le piège et les vérités générales : je pense bien sûr à l'ami Laurent Gounelle, mais aussi à des livres comme Ta deuxième vie commence quand tu comprends que tu n'en as qu'une et autres joyeusetés.

Petite défiance, donc, en abordant Comme par magie!
Et pourtant, rapidement, l'auteur a désamorcé mes craintes : dans un style pédagogue et fluide, elle raconte des histoires, les siennes, qui nous la rendent familière et sympathique.

Quels enseignements retire-t-on de la lecture de cet essai?
Car, oui, l'auteur partage avec nous le fruit de son expérience personnelle, les théories élaborées sur le sujet de la créativité, si bien que la lecture mêle les anecdotes à des leçons/suggestions parfois très originales.

Avant toute chose, Lizzie souligne l'importance de la créativité dans nos vies, quand bien même cette dernière serait exercée sans poursuivre un but particulier, à l'instar de son amie pratiquant le patinage artistique sans autre visée que le plaisir et l'équilibre que cela lui procure. 

Elle réfléchit également au rôle de la peur, qu'elle nous enjoint à désamorcer et à surpasser pour nous consacrer à notre créativité, et au rôle de cette dernière, soulignant la dimension non utilitaire de l'art, et ce qu'il y a de capital à ne pas s'attendre à en vivre, à ne pas l'exercer dans ce but. 

Néanmoins, la théorie majeure de l'essai est celle de la mobilité des idées, assimilées à une forme d'énergie qui se diffuse et interagit avec son environnement, ce qui est à l'origine de la dimension quasiment magique que l'on prête à la créativité. Je vous invite à lire l'extrait reporté plus bas, détaillant la théorie en question. Il y a quelque chose de farfelu, de fantasque dans l'approche d'Elizabeth Gilbert, et par là même de tout à fait vivifiant.

Sans oublier le regard porté sur l'artiste roublard, qui se fait plaisir là où d'autres n'exercent leur art que dans la souffrance la plus extrême, et sur la part du hasard, rappelant le rôle qui lui est le sien dans le succès d'un livre, diminuant ainsi celui du talent de l'artiste, qui peut ne pas être en cause dans un succès ou un échec. Cette proposition a le mérite d'être déculpabilisante pour les artistes en mal de reconnaissance, et de relativiser l'importance de l'accueil qui est fait à une oeuvre, qui, lorsqu'il est négatif, peut avoir un impact regrettable sur la créativité de son auteur.

De jolies choses, donc, dans l'essai d'Elizabeth Gilbert, qui donne surtout envie de se lancer soi-même dans une réalisation artistique sans se soucier de ce que pourront bien en penser les autres.


Pour vous si...
  • Vous manquez de confiance dans vos dispositions artistiques

Morceaux choisis

"Si votre but dans la vie est de devenir intrépide, je crois que vous avez déjà pris le mauvais chemin, car les seuls individus vraiment sans peur que j'ai connus étaient des sociopathes purs et durs et quelques gosses de trois ans exceptionnellement téméraires - et ce ne sont de bons exemples pour personne."

"Notre planète est habitée non seulement par des êtres humains, des animaux, plantes, bactéries et virus, mais également par des idées. Les idées sont une forme de vie désincarnée, composée d'énergie. Elles sont totalement distinctes de nous, mais capables d'interagir avec nous - bien que d'une manière étrange. Les idées n'ont pas de forme matérielle, mais elles ont une conscience et il est certain qu'elles possèdent une volonté. Les idées sont mues par une unique pulsion : se révéler. Et le seul moyen pour une idée de se révéler dans notre monde, c'est de collaborer avec un être humain. C'est seulement par le biais de l'effort humain qu'une idée peut être extraite de l'éther intangible pour apparaître dans le réel.
Par conséquent, les idées sont éternellement en train de tournoyer autour de nous en quête de partenaires humains disponibles et consentants."

"Avant d'oublier, une autre chose encore : personne ne vous demande de sauver le monde avec votre créativité.
En d'autres termes, non seulement votre art n'a pas besoin d'être original, mais il n'a pas non plus à être important.
C'est vrai, c'est très aimable à vous de vouloir aider les gens, mais de grâce, n'en faites pas votre unique raison de créer, parce que nous subirons le poids de votre intention et notre âme en souffrira."

"Laissez les gens avoir leur opinion. Mieux encore, laissez-les s'enticher de leur opinion, tout comme vous et moi adorons la nôtre. Mais ne cédez jamais à l'illusion de croire que vous avez besoin de la bénédiction de quelqu'un (et encore moins de sa compréhension) pour produire votre oeuvre. Et souvenez-vous toujours que le jugement que les gens portent sur vous ne vous concerne pas.
Dernier point, rappelez-vous ce que W.C. Field disait sur la question : "Ce n'est pas le nom qu'on vous donne qui compte, c'est celui auquel vous répondez". (on comprend en effet que ce pauvre W.C. préférait répondre à un autre nom que le sien...)

"Si je m'accrochai à toutes ces autres sources de revenu pendant si longtemps, c'est parce que je ne voulais pas que l'écriture ait l'écrasante responsabilité de me faire vivre. Je me gardai bien de demander cela à mes livres, car au fil du temps, j'avais bu tant d'autres gens anéantir leur créativité en exigeant que leur art paie leurs factures.
[...] J'ai toujours trouvé que c'était faire montre d'une grande cruauté à l'égard de son art - exiger qu'il vous rapporte un revenu régulier, comme si la créativité était un boulot de fonctionnaire ou une rente viagère."

"Un jour, je jetai un livre entier parce qu'il ne fonctionnait pas (J'ignore pourquoi il ne fonctionnait pas! Comment l'aurais-je su? Vous croyez que je suis légiste pour livres?)"


Note finale
4/5
(très cool)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire