mardi 11 juillet 2017

Vernon Subutex 3, Virginie Despentes

Enfin, le tome 3 de Vernon Subutex a déferlé en librairie.
Je n'en pouvais plus d'attendre.
Zoom sur un succès à partager. 


Libres pensées...
(attention spoilers)

Nous retrouvons Vernon au mieux de sa forme, propulsé gourou d'une petite communauté qui vit à l'écart de l'agitation urbaine, et ne va en ville que pour refaire ses stocks de toute sorte. Après la torture subie par Dopalet, ce dernier n'a qu'une chose en tête : retrouver les deux gamines et leur faire payer. Quant à Charles, qui est resté proche de la communauté de Vernon, il meurt en laissant derrière lui la Véro, sa compagne, à la tête d'une petite fortune gagnée au loto, dont  il n'avait parlé à personne, et dont il lui demande de remettre une part à Vernon.

Retrouver la prose de Despentes est un péché mignon que le temps ne dément pas, une bouffée d'air qui pulvérise l'apnée provoquée par les romans au ton suranné et déjà vu. L'oralité est toujours de mise, tout comme les nuances qui caractérisent les personnages croisant la route de Vernon, qu'il s'agisse de la Véro, de Dopalet ou de la Hyène, qui évolue de manière intéressante.

Cette fois, l'on prend plaisir à découvrir les affres d'une communauté moderne, dont on pourrait se demander si elle ne ressemble par moment à une drôle de secte, Vernon semblant être devenu son gourou sans rien faire pour cela, et les affres de la vengeance fomentée de longue date.

Les pages défilent, on se laisse prendre complètement au jeu, l'auteur ourdit les événements de telle sorte qu'ils nous semblent tout à la fois aléatoires et découlant d'une mécanique implacable. A cet égard, l'issue est terrifiante, et s'inscrit parfaitement dans la trame en y trouvant ses causes, laissant le goût amer de l'injustice perpétrée dans la violence.

La proximité entre ce que vivent les personnages et l'actualité de ces dernières années confond le lecteur, car Vernon devient spectateur comme lui, assiste aux moments marquants de 2015 et 2016, il se coule dans un quotidien qui est le nôtre.

Et puis, Despentes explore, dans les toutes dernières pages, une piste inattendue, en se projetant dans le futur, dessinant les contours de ce que Vernon Subutex aura malgré lui initié, l'inscrivant dans le devenir d'une société déjà malade, qui porte les germes de ce qui s'affirmera demain, la pénurie d'énergie, en particulier, et ses retombées dramatiques. En six pages, Despentes balaye tout ce que l'on croyait savoir de la saga, s'aventure dans un genre qui n'a strictement rien à voir avec les trois tomes dont on parvient au terme, et dévoile un talent certain en la matière.
C'est perturbant, impertinent, et pourtant, d'une certaine façon, c'est également brillant.
Finalement, c'est bien du Despentes. 

Pour vous si...
  • Vous ne voulez pas manquer le dernier tome de l'une des grandes sagas du XXIe siècle.

Morceaux choisis

"Mais ce n'est qu'une fois parvenu sur le quai qu'il identifie ce qui le dérange, depuis leur arrivée. L'odeur. Paris est un cloaque olfactif - mélange de pourriture d'air vicié d'odeurs corporelles de parfums de senteurs de fer et de machine de saleté et de produits chimiques. Vernon prend conscience qu'il est en apnée. Depuis des mois il respire partout où ils sont, chaque nouveau spot a son odeur, le rendant particulier et unique. Ici, pour la première fois depuis longtemps, il refuse de sentir où il est."

"Voyant que Dopalet traverse la rue avec difficulté, le chauffeur descend pour lui ouvrir la portière. C'est fou ce que le service des G7 s'est amélioré depuis qu'ils ont eu chaud au cul avec Uber. Comme quoi, le bâton reste la meilleure stratégie pour faire évoluer les choses."

"Elle a perdu son humanité rapidement. Ce qu'on appelle dignité, quand on n'a jamais été exposé à la torture quotidienne. On s'en fait tout un monde, mais c'est la première chose qu'on perd."

Note finale
4/5
(très bon)

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