mercredi 30 août 2017

Le triomphe de Thomas Zins, Matthieu Jung

Le roman du jour raconte raconte la grandeur et la décadence d'un ado des années 1980, Thomas Zins. 


Libres pensées...

En 1982, alors que Mitterrand accède au pouvoir, Thomas Zins est un adolescent banal de prime abord, mais à l’avenir prometteur. Passionné de politique, il rêve de devenir écrivain, de multiplier les conquêtes, et sait quel monde, quel triomphe l’attend. Au lycée, après des mois passés à se languir auprès de Céline Schaller, qui est dans sa classe et à laquelle il apporte son aide en maths, la belle s’intéresse enfin à lui, consacrant les débuts de sa gloire. Mais les années défilent, et ne lui apportent pas la réussite escomptée. Auprès de Jean-Phi, un cinquantenaire gay rencontré un été à Saint-Gilles-Croix-de-Vie, Thomas s’interroge sur sa sexualité : et si l’attraction exercée par Jean-Phi était révélatrice d’une vérité enfouie depuis la puberté, celle de son homosexualité ? Comment faire cohabiter son amour pour Céline et son envie irrépressible de conquérir d’autres filles et garçons ? Thomas Zins possède-t-il vraiment le talent qui lui a fait entrevoir un avenir sublime, et comment le concrétiser ?

Le roman de Matthieu Jung peut essouffler son lecteur, de par sa longueur (750 pages, tout de même) qui, à mon sens, le dessert.

Néanmoins, parmi ses atouts, il faut noter le travail de contextualisation qui immerge immédiatement le lecteur dans la France des années 1980. Les discussions politiques dans la famille Zins et entre Thomas et ses amis participent de cette mise en scène, et créent un sentiment de « réel ».

De même, les personnages sont construits avec brio, révélant leurs contradictions, l’ambition dévorante matinée de naïveté des adolescents. Thomas comme Céline se montrent tantôt d’un romantisme exacerbé, tantôt d’un pragmatisme et d’une cruauté affirmés. Les nombreux personnages qui gravitent autour d’eux renforcent le sentiment de réalité, de par leur passage parfois éphémère et leur réapparition éventuelle des années plus tard, et leurs propres ambivalences (à l’instar de Jean-Phi, qui semble extrêmement malsain et auquel néanmoins l’on voit que Thomas s’attache).

Certains chapitres insérés retracent des épisodes de la vie de Paul Zins et Serge Zins, le grand-père et père de Thomas, qui sont intéressants en eux-mêmes (notamment concernant les événements en Indochine) et permettent de redonner de l'élan au récit, mais ils m’ont semblé peu liés avec l’intrigue principale, créant un sentiment d’artifice.  

Le style est riche, mêlant des dialogues très oraux, intégrant le vocabulaire des adolescents dans les années 1980, et des descriptions classiques, plus littéraires, et une narration qui se fonde sur un rapport d'étude entre le narrateur et Thomas Zins : l'objet Zins est disséqué, ses pensées parfois mégalomanes et mesquines sont passées au crible (créant de facto une connivence entre le narrateur et le lecteur, aux dépens de Thomas), et lui est analysé comme un représentant de toute sa génération.

Le triomphe de Thomas Zins dit les désillusions d’une jeunesse égarée, avide de liberté, de reconnaissance, et bridée dans ses aspirations, incapable de savoir quoi faire de ces espoirs dont elle se rengorge et qui ressemblent à des mirages.

Pour vous si...
  • Vous avez une certaine tendresse pour les passages obligés de l'adolescence et le kitsch qui s'en dégage, a posteriori. 

Morceaux choisis

"L'acné juvénile, une taille inférieure de presque dix centimètres à la moyenne nationale, zéro roulage de pelle au compteur et un dépucelage inenvisageable pour cause d'atrophie zobienne auraient démoli n'importe qui, surtout si on ajoute à ces tares un zozotement, des jambes arquées et des cheveux si noirs qu'en cinquième Noëlle Gaudel traitait Thomas de Portugais!
Seulement un dur à cuir comme Zins ne s'avoue pas vaincu devant l'adversité. Il rame fort contre le courant pour quitter la mauvaise passe."

"Cet entêtement, chez les prolétaires, à confondre miches et nichons, à cause de l'assonance de ces deux noms communs... La simple lecture d'un San Antonio permet pourtant de vérifier que "miches" ne signifient pas "seins" mais "fesses"!"

"Ainsi, il attaquerait sa vie d'adulte dans une position d'infériorité humiliante par rapport à sa copine? Non seulement il ne serait pas le premier pour la première fille qu'il aime, mais elle serait, de surcroît, la première pour lui? Dans l'idéal, le gars batifole pendant quelques années, après sa puberté. Ensuite, lui prend l'envie de se ranger, et il en choisit une qui n'a jamais fait la "fin" comme l'écrit sa cousine Corinne pour désigner ce mystérieux rendez-vous, dans les nombreuses lettres qu'elle lui envoie. Et pour Thomas Zins, la situation s'inverserait? Il se priverait de cette joie-là?
Non merci."

"Non, en y réfléchissant, la solution idéale serait de coucher avec plein d'autres filles, tout en conservant Céline comme régulière. Evidemment, Céline, elle, n'aurait pas le droit d'en faire autant, s'engageant à lui demeurer fidèle jusqu'à son dernier souffle.
Impossible.Quelle fille accepterait ce marché de dupes?"


Note finale
3/5
(cool)

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