lundi 21 août 2017

Un astronaute en bohême, Jaroslav Kalfar

Aujourd'hui, je vous parle du roman qui a le titre le plus aguicheur de toute la rentrée littéraire. A côté de Le courage qu'il faut aux rivières ou Bonjour, c'est l'infirmière, Jaroslav a su, en effet, tirer son épingle du lot. 


Libres pensées...

Jakub touche son rêve du doigt lorsqu’il est choisi par son pays, la République Tchèque, pour prendre part à une mission russe dans l’espace. Fils d’un ancien proche du régime communiste qui s’est soustrait à la comparution pour accusations de torture en disparaissant avec sa femme dans un accident, Jakub n’a eu de cesse d’œuvrer dans sa vie pour devenir quelqu’un de bien, et s’éloigner de la figure de son père. Mais la mission ne se déroule pas comme espéré : il apprend que sa femme Lenka le quitte, et bientôt, il découvre qu’il n’est pas seul à bord, et fait la connaissance de Hanus, un alien curieux et une oreille attentive pour discuter de toutes choses. Le vaisseau se retrouve néanmoins abîmé à la suite d’un choc, le condamnant à la mort, mais Jakub survit, et parvient à rejoindre la Terre, où il s’emploie à retrouver la trace de Lenka.

Le roman constitue une sorte d’objet littéraire non identifié, mêlant des genres différents, qui peuvent désarçonner le lecteur.
En effet, une partie se révèle plutôt historique, révélant des agissements indignes sous le régime communiste, le déroulement de la Révolution de Velours et le contrecoup pour ceux qui étaient auparavant du côté du pouvoir.
Pourtant, dès lors que la mission dans l’espace débute, la dimension fantastique, avec l’intervention de personnages aliens, prend le dessus, et brouille les repères du lecteur.

Les personnages intervenant dans le roman sont parfois difficiles à cerner,  à l’instar des grands parents de Jakub, de l’homme jadis torturé par son père, ou de Klara par exemple, dont Jakub fait la connaissance dans l’espace. Les personnages de Jakub et Lenka provoquent l’empathie de par leurs ambiguïtés et leurs désirs parfois paradoxaux.

Pour finir, si l’action fait progresser le récit d'apparence déstructurée, il est beaucoup question d’introspection de la part de Jakub, qui revisite son histoire en la racontant à Hanus, et s’interroge sur des thématiques philosophiques (l’amour, la mort, la solitude, l’ambition). Malgré mes suppositions initiales, j'ai découvert un récit mélancolique, laissant peu de place à l'humour (comme le laissait présager le titre).

Les rebondissements peuvent en outre créer une confusion, car si les conversations entre Jakub et Hanus sont abordables et intéressantes, il est malaisé de suivre l’intrigue entre la déclaration de la mort de Jakub et son retour sur terre, tant elle verse dans l’imaginaire.

Néanmoins, la dernière partie du livre apporte un apaisement, et des réponses pleines de sagesse aux préoccupations de Jakub.

Le roman de Kalfar ne ressemble à aucun autre, ce qui est intriguant, mais il peut, de par cette dimension hybride, peiner à trouver son public (en dépit de celui, évident, qui sera intrigué par le titre) : le lectorat amateur de fantastique n’y trouvera pas son compte car le fantastique n’est pas présent dans toute la première partie, et le lectorat plus sensible à la dimension historique et politique pourra être rebuté par l’évolution fantastique.

Le résultat, déroutant, constitue néanmoins une intéressante expérience de lecture!

Pour vous si...
  • Vous êtes prêt à vous engager pour un long voyage de solitude.
  • Vous n'avez rien contre les aliens. 
Morceaux choisis

"Je souris, mais refusai de rire. Ne jamais rire à haute voix à vos propres blagues, avait conseillé le Dr Kutak. C'est le signe certain d'un esprit qui se détériore."

"_Ah, un sceptique! J'adore les sceptiques. Ils maintiennent une démocratie honnête, mais ils ne pensent pas toujours les choses en grand. Pensez plus grand. Qu'est-ce qui fait un pays?
[...]
La grandeur d'une nation ne se définit pas par des abstractions, Jakub. Elle est définie par des images. Des histoires transmises oralement, par la télévision, immortalisées par l'internet, des histoires sur un nouveau parc en cours de construction, des sans-abri qu'on nourrit et des hommes mauvais arrêtés pour avoir volé des hommes bons. La grandeur d'une nation se niche dans ses symboles, ses gestes, ses actions sans précédent."

"Je voulais que quelqu'un me dise qu'il sait ce qu'il fait. Je voulais que quelqu'un revendique l'autorité."

Note finale
3/5
(cool)

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