mercredi 27 septembre 2017

Parmi les miens, Charlotte Pons

La danse des premiers romans de la rentrée littéraire se poursuit, avec le roman de Charlotte Pons, Parmi les miens. L'auteur vient du monde du journalisme, et a récemment fondé des ateliers proposant des services en lien avec la littérature et l'écriture. 


Libres pensées...

Manon est une jeune maman, qui apprend un jour que sa propre mère vient d'avoir un grave accident. Après plusieurs semaines de coma, cette dernière se réveille dans un état végétatif. Autour d'elle, la famille, fragile, se déchire, tandis que des interrogations naissent au sujet de son mystérieux passé.

L'incipit du roman est l'un des meilleurs que j'ai lus au cours des derniers mois, si ce n'est de la dernière année. On note dans certains romans cette attention portée aux premières phrases, tout à fait légitime d'ailleurs, et qui prend le risque de décevoir ensuite, car cette précision chirurgicale dans le choix de chaque mot ne se décline généralement pas dans le reste du récit. C'est un peu l'impression que j'ai eue en lisant, il y a quelques années, Au-revoir là-haut, qui proposait un premier chapitre absolument mythique, sans que les suivants n'atteignent cette puissance.
L'effet est présent, à la lecture de Parmi les miens, mais il est beaucoup moins sensible, et j'ai globalement eu le sentiment d'une qualité égale tout au long du récit.

Bien entendu, de par le thème et l'écriture au plus proche de l'intime au sein du cercle familial, le roman m'a fait penser à La téméraire, un premier roman publié en janvier 2017, qui avait reçu un accueil très chaleureux et m'avait personnellement beaucoup plu.

Mon sentiment est proche, à la lecture de Parmi les miens, avec, peut-être, l'effet de surprise en moins. L'auteur parvient avec brio à rendre ses personnages vivants, et à instaurer une proximité avec le lecteur. Pour ma part, le trouble dans lequel est jetée Manon m'a traversée aussi, me conduisant à imaginer l'effet que pourrait avoir de tels événements dans ma vie. Le drame narré est, d'une certaine façon, terriblement banal, il s'agit pourtant du genre de drame auquel nul n'est jamais préparé. En toile de fond, la réflexion autour de l'euthanasie, avec ici des circonstances particulières, parce que la mère n'a pas formalisé son souhait que sa famille mette fin à ses jours si une telle situation survenait, et la démarche est différente de celle consistant à "débrancher" un proche plongé dans le coma, et maintenu artificiellement en vie.

L'auteur développe des points de vue alternatifs sur la question, au moyen des différents protagonistes, qui ont chacun une vision personnelle. Manon est brutale dans son appréhension des faits, elle va jusqu'à verbaliser durement l'état de sa mère, alors que sa sœur Adèle est plus mesurée, elle nourrit l'espoir d'un retour à la normale qui semble illusoire pour Manon. Entre les deux, Gabriel, qu'un comportement erratique rend difficile à cerner, et le père, en creux, dont le silence, si l'on écoute bien, est pourtant éloquent.

Parmi les miens forme un tableau éprouvant, questionne les limites de la liberté individuelle et le poids de l'engagement des proches, en mettant en mots une disparition aussi singulière que violente. 


Pour vous si...
  • Vous aviez été sensible à La téméraire

Morceaux choisis

"Il y a peu de choses que je n'acceptais pas venant de maman. La voir mourir en faisait partie. Mais quoi? Penser à maman comme à un légume. Je n'étais jamais aussi désemparée que lorsqu'elle ne me comprenait pas et voilà qu'elle ne m'aurait plus reconnue?
_Autant qu'elle meure.
J'avais dû le dire à voix haute car dans le regard de mes frère et sœur, j'ai lu l'effroi, j'ai deviné le gouffre qui menaçait toujours de surgir entre nous. Nos liens étaient si ténus.
Mais que croyaient-ils? Que nous avions les épaules pour cela? Affronter l'humanité de notre mère dans ce qu'elle avait de plus vain. Un corps, juste un corps. Qui se dégrade et que l'on maintient en vie coûte que coûte.
Je ne pouvais pas, s'agissant de maman, imaginer l’œil vide et mort qu'elle nous jetterait lorsqu'on lui donnerait la becquée, imaginer les soliloques que l'on tiendrait en espérant qu'un mot l'atteigne.
Tu m'entends, dis, tu m'entends? Je ne pouvais pas envisager que la peau contre laquelle elle nous serrait enfants en vienne à nous dégoûter."


Note finale
3/5
(cool)

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