vendredi 10 novembre 2017

Neverland, Timothée de Fombelle

Un premier roman aux accents merveilleux, voilà le remède parfait à l'hiver qui s'installe...


Libres pensées...

L'auteur revisite son enfance, et à travers elle, toutes les enfances, ce monde à la fois à portée de main et soudain inaccessible, laissant une profonde empreinte en chacun.
Il se rappelle les sensations, les couleurs, les odeurs, la matière, les jeux, les histoires dont il a peuplé le monde, le modelant à sa façon, échappant à celui, mélancolique, des adultes.

Avec beaucoup de poésie, Timothée de Fombelle nous entraîne à rebours, vers un lieu oublié qui ne nous a pourtant jamais quitté.
Faisant jaillir ses souvenirs, il exhume les nôtres, nous extorque des sourires à foison, dit des choses infiniment simples, et si difficiles à exprimer, de par les connotations qu'elles transportent, ce qu'elles incarnent et qui les dépassent.

Le titre du roman, bien sûr, nous fait penser au pays imaginaire, à Peter Pan, aux enfants perdus, et le livre tient cette promesse en nous offrant un voyage dans la mémoire, qui nous rend à l'essentiel, à la légèreté.

On lit Neverland pour sa langue douce et incarnée, pour la chaleur que la lecture nous procure, le frisson du souvenir lointain, la tendresse qu'il nous inspire ; on lit Neverland pour s'extraire de la morne routine qui fait parfois nos journées, pour se draper d'amour et de joie d'être au monde, pour redécouvrir la curiosité, l'émerveillement de ce qui nous entoure. On lit Neverland pour partir à la rencontre de l'enfant en soi, bâtir un pont entre celui d'antan et ce qu'il en reste aujourd'hui, et pour se dire que la solitude peut être conjurée, parce qu'il est des histoires que nous partageons avec beaucoup d'autres. 

Pour vous si...
  • Vous avez besoin de prendre soin de vous.
  • Vous cherchez un roman à lire au chaud, lové-e dans votre canapé, avec un thé brûlant.

Morceaux choisis

"J'ai frôlé souvent la lisière, comme tous les enfants, avec la vue dérobée sur le pays adulte - j'ai vu par exemple ma mère pleurer sur un pont de pierre dans les bras de ma grand-mère. Elles ne m'ont pas vu, j'étais caché au bord de la rivière - mais j'ai toujours pu me retourner en me frottant les yeux, replonger dans le maquis de l'imaginaire, rêver, laisser croire que je ne savais rien, chasser les étourneaux au lance-pierre, construire des machines, marcher sur cette couche fine de glace qui ne supporte que le poids des petits êtres.
Je sais que pour une seule enfance intacte, un jardin suspendu comme le mien, il y en a des dizaines qui tombent en éboulis vers la plaine ou sont mangés par le désert. Je regarde passer ces jardins assiégés, dévastés, qui promènent leurs yeux grands ouverts."

"L'enfant est une île. Il ne sait et ne possède rien. Il devine des forces immenses sous les bandelettes qui serrent son corps. Pour lui, le lendemain n'existe pas. Le passé a déjà disparu. L'enfant commence par être cet instant suspendu, désarmé, qui jaillit comme un bouchon au milieu de la mer et regarde autour de lui.
Et quand il sera ivre d'avoir senti, quand il aura l'intérieur tapissé de ce qui l'entoure, il se mettra à imaginer.
Il découvrira cette énergie renouvelable à l'infini : l'imaginaire. Le premier mouvement qui le pousse dehors. Il jettera dans ce courant les objets inanimés qui l'entourent, le cerf-volant, la petite hélice ou la poignée de cendres. Il inventera. Il complètera de l'intérieur ce qu'il voit dehors. Il finira le monde. Il fera des histoires.
Mais au début, il n'y a que la sensation. Le monde vient cogner contre lui et l'enfant le laisse entrer."

"L'été durait des vies entières. Une explosion de liberté. Un grand feu dans lequel on jetait les autres saisons pour voir ce qu'il en resterait. Et tout se consumait."

Note finale
4/5
(très beau)

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