lundi 4 décembre 2017

Nos vies, Marie-Hélène Lafon

Marie-Hélène Lafon fait partie des auteurs fiables, qui ne déçoivent guère, et se sont acquis au fil des ans des lecteurs fidèles. Après son exploration du monde paysan, elle se penche sur le quotidien d'une caissière dans le 12e arrondissement de Paris. 


Libres pensées...

Gordana est caissière au Franprix de la rue du Rendez-Vous, dans le 12e arrondissement de Paris. La narratrice l'observe, capte ses habitudes, ses manières, tâche de deviner qui elle est, et remarque
cet homme qui vient régulièrement et la dévisage. Peu à peu, sa propre histoire se dessine à son tour.

Nos vies est un joli roman, où l'on prend plaisir à retrouver la prose travaillée de Marie-Hélène Lafon, ses images nombreuses et vivantes, son goût pour ses personnages qui se ressent dans le portrait brossé, la tendresse qui en émane. De ces descriptions est exempte toute forme de jugement, il y a au contraire une empathie, un intérêt vif pour l'autre, quel qu'il soit, et son statut social n'est pour rien en cela. L'auteur excelle en effet à rendre grands les petites gens, ceux qui ne sont que figurants dans la littérature ordinaire, qui n'ont rien d'extraordinaire, et sont pourtant si singuliers.

Le contrepied de cela, c'est que l'intrigue se dilue parfois, car elle faite de bribes de vies, et peu à peu, des souvenirs, des confidences que partage la narratrice à son sujet, mais l'on suit un cours qui est celui du quotidien, il n'y a pas vraiment d'intrigue au sens classique du terme.

Mais ce n'est pas grave. On ne lit pas Nos vies pour l'intrigue, pas vraiment, on le lit pour cette écriture exquise, cette façon qu'a l'auteur de ne pas choisir entre un mot et un autre, de donner tout ce qui vient, tout ce qui concourt à peaufiner le sens, à restituer l'infinie richesse de ce qu'il y a à dire. Les structures ternaires, les adjectifs se multiplient, on croirait d'abord à une redondance, et l'on devine ensuite que chaque mot vient préciser la pensée, apporte un petit quelque chose, un supplément qui n'était pas là plus tôt.

C'est ce flot vivace qui fait toute l'empreinte de Marie-Hélène Lafon, et dans lequel on se plaît à s'ébattre, savourant chaque mot, chaque expression, qui subliment ensemble ce dont est capable la langue. 

Pour vous si...
  • Vous vous délectez des trésors de style. 

Morceaux choisis

"Nos vies ont coulé, les leurs et la mienne. A Paris, dans le métro, pendant quarante ans, j'ai happé des visages, des silhouettes de femmes ou d'hommes que je ne reverrais pas, et j'ai brodé, j'ai caracolé en dedans,  à fond, mine de rien, ligne six ou ligne quatre, quinze ou vingt minnutes aller et retour matin et soir cinq fois par semaine, sans compter le temps des trajets qui n'avaient rien à voir avec le bureau ; pendant quarante ans je me suis enfoncée dans le labyrinthe des vies flairées, humées, nouées, esquissées, comme d'autres eussent crayonné, penchées sur un carnet à spirales."

"Le supermarché me rend sentimentale. Ca m'est venu sur le tard, après quarante ans, j'ai aimé ce vague prurit suscité par les chansons, toujours les mêmes, dont les paroles tournent en boucle fatiguée dans les allées tapissées de produits en couleurs."


Note finale
3/5
(cool)

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