vendredi 2 mars 2018

L'homme de Grand Soleil, Jacques Gaubil

Escapade au Canada avec les 68, et plus précisément à Grand Soleil, ce  qui rend la couverture paradoxale et trouble le pauvre lecteur égaré par tant de signaux contradictoires. 


Libres pensées...

Le narrateur, Jacques, est médecin itinérant, et couvre notamment le territoire reculé de Grand Soleil. Lorsque le grand Cléophas tombe malade, il propose de réaliser des analyses de sang pour identifier le mal dont il souffre. Mais les résultats obtenus dépassent l'entendement, et ne tardent pas à trouver écho dans la presse mondiale, car ils démontrent l'existence d'un ADN différent de celui de l'Homo Sapiens, un ADN qui serait celui des descendants de Néanderthal.

Le sujet choisi par Jacques Gaubil pour son premier roman interpelle, en ce qu'il est particulièrement audacieux : face aux innombrables romans familiaux ou sentimentaux, voilà un choix qui dépayse et qui titille !

Le narrateur fait état avec brio de la situation qui, rapidement, lui échappe, des enjeux qui le dépassent et révèlent aussi au passage le vrai visage de certains de ses proches, alors qu'il tente à la fois de lever le voile sur le mystère biologique de l'existence actuelle de descendants de Néanderthal, et de soigner son patient Cléophas, qui a vécu sa vie durant à Grand Soleil et n'est en rien préparé à l'avalanche médiatique qui menace de le surprendre.

Le roman nous pousse à réfléchir à la portée philosophique et éthique que pourrait avoir une telle découverte, et plus largement, sur la peur humaine de la différence : dès que la nouvelle est ébruitée, chacun veut savoir s'il est lui-même descendant de Sapiens ou de Neanderthal, et une nouvelle discrimination voit le jour en lien avec ces cousins que l'on pensait disparus, et dont on a clamé partout l'infériorité naturelle ayant conduit à leur supputée disparition.

L'homme de Grand Soleil mérite donc d'être lu pour son sujet peu commun.
J'ai malheureusement moins apprécié le penchant de l'auteur pour certaines références se voulant érudites qui m'ont parfois semblé peu à propos (non dans le domaine scientifique, mais plutôt littéraire et philosophique).

Un beau début néanmoins ! 

Pour vous si...
  • Vous savez intimement que tout le monde est corruptible.
  • Vous adorez vous frotter aux énigmes scientifiques et biologiques ! 

Morceaux choisis

"Se faire traiter de blaireau par un Italien d'un mètre soixante-cinq, en train d'endurer une calvitie précoce, fut une des expériences les plus abouties de mon existence, un existential ontologique aurait dit Heidegger."

"En parcourant ces lettres, je sais que des centaines de femmes déréglées admirent les oeuvres effroyables de Guy Georges. L'impatience des ovaires." (Oui, parce qu'il est question, tenez-vous bien, d'un trait spécifiquement féminin, d'où le lien, subtil, avec les ovaires. Les hommes, eux, n'admirent que les oeuvres des saintes.)

"En recherchant son nom dans Google, on peut savoir où on en est dans l'existence. Ce que le monde dit de nous, c'est ce que nous sommes, le web est un miroir. Tous les matins, on s'examine devant une glace pour vérifier sa coiffure ou ses vêtements. De la même façon, tous les jours, nous devrions nous observer sur internet. Avant le net, chacun pouvait espérer ne pas être immédiatement saisi. [...] On appelait cela l'intimité. Nous n'étions pas d'emblée disponibles. Et puis, le temps de la transparence est venu, l'incontinence est la maladie du siècle, les gens font leur être sous eux."

"Mais au fond d'eux-mêmes, les hommes, ce dont ils rêvent, c'est du bon temps avec des jolies filles, pas avoir les doigts couverts de merde, en train de changer des couches-culottes, à deux heures du matin... [...] Les femmes, c'est différent, ça doit venir de la chimie ou du ventre. Elles ont conservé la nostalgie des premiers âges." (des personnages pleins de charme et de bon sens, qu'on lobotomiserait bien au petit déjeuner. Que vous dire, ça doit venir des ovaires et de la nostalgie des premiers âges.)

Note finale
3/5
(cool)

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