mercredi 14 mars 2018

Lumière pâle sur les collines, Kazuo Ishiguro

Kazuo Ishiguro est notre dernier prix Nobel de littérature. Je me suis fort réjouie de cette nouvelle, en particulier parce que j'avais adoré Les vestiges du jour, Un artiste du monde flottant ou Auprès de moi toujours, et en dépit du bide provoqué par Le géant enfoui. Et puis, ô chance, je suis tombée sur le premier roman traduit en français de l'auteur. Le voici. 


Libres pensées...

Etsuko est une femme japonaise qui a émigré en Angleterre. Après le suicide de sa fille Keiko, elle se rapproche de sa fille Niki, et est hantée par une période de son passé à laquelle elle se prend à songer souvent : après la guerre, elle avait fait la rencontre d'une femme d'extraction bourgeoise, Sachiko, qui était devenue son amie, et de sa fille Mariko.

Etrange récit que celui de Lumière pâle sur les collines !
Les deux époques se font écho, tout comme les personnages qui les peuplent, mais assez rapidement, on s'intéresse principalement au passé d'Etsuko, à Sachiko et sa fille, à la relation atypique qu'elles entretiennent, et aux fantômes qui semblent rôder autour de Mariko, qui évoque régulièrement une femme dont sa mère nie l'existence.

Par ailleurs, la personnalité de Sachiko est particulièrement intriguante, et fait bientôt naître des sentiments hostiles : elle se montre condescendante, peu reconnaissante, se plaint à loisir de sa situation de femme de noble extraction obligée de supporter la proximité de roturiers comme Etsuko et l'emploi qu'elle lui a trouvé et qu'elle quitte du jour au lendemain sans même prévenir l'amie d'Etsuko, ou encore négligente envers sa propre fille. D'une certaine manière, Sachiko m'a fait penser à une Emma Bovary japonaise, prise au piège de ses propres rêves de grandeur, et se montrant sans même peut-être s'en rendre compte dédaigneuse pour son entourage pourtant dévoué.

Enfin, la trame du récit déroute, en ce que l'on ne voit guère où l'auteur nous emmène, et l'on reste perplexe une fois parvenu à la fin du roman, s'interrogeant sur ce qu'il s'y est vraiment passé.

Cependant, le style d'Ishiguro est déjà captivant, pour ce premier roman, et alpague le lecteur (c'est en tout cas le sentiment que j'ai éprouvé dès les premières lignes du texte), l'enjoignant à se projeter dans ce cadre à la fois sinistré et apaisant. Une gageure !

Pour vous si...
  • Nagasaki, la fin des années 40, voilà de quoi vous mettre en haleine.
  • Vous vous laissez volontiers envoûter par l'ambiance unique que l'on trouve dans les romans d'Ishiguro. 

Morceaux choisis

"Il m'est arrivé d'évoquer sans relâche cette image : ma fille, pendue dans sa chambre pendant des jours et des jours. L'horreur de cette vision n'a jamais diminué, mais elle a depuis longtemps perdu tout caractère morbide : de même qu'avec une blessure physique, il est possible de parvenir à une intimité avec les pensées les plus troublantes."

"De nos jours, les épouses ne ressentent plus d'engagements à l'égard de la famille. Elles font ce qui leur plaît, elles votent pour un autre parti quand la fantaisie leur en prend. C'est absolument typique de la tournure que prennent les choses au Japon. Au nom de la démocratie, les gens délaissent leurs obligations."

Note finale
3/5
(cool)

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