vendredi 16 mars 2018

Luna-Park, Elsa Triolet

On parle toujours d'Aragon à foison, mais Elsa, hein, qu'est-ce qu'on en dit d'Elsa ?


Libres pensées...

Dans la maison dans laquelle il vient de s'installer, Justin Merlin trouve une abondante correspondante entre l'ancienne propriétaire des lieux, Blanche Hauteville, et plusieurs hommes. A travers leurs échanges épistolaires, il fait la rencontre de Blanche, l'appréhende, la sonde, et se prend au jeu tant et si bien qu'il se découvre bientôt amoureux.

Le cadre dressé par l'auteur se prête merveilleusement au romanesque : le protagoniste, Justin Merlin, s'apparenterait presque au lecteur lui-même, se glissant en voyeur dans une relation épistolaire à laquelle il n'a pas pris part, mais dont les émotions sont si fortes qu'elles le rendent bientôt acteur de l'intrigue lui-même, dans une certaine mesure.
Enfin, les lettres adressées à Blanche en dépeignent un portrait envoûtant, fascinant, celui d'une femme qui bouscule, qui dérange, qui se comporte comme elle le veut dans le milieu très masculin de l'aviation, et de manière générale dans son quotidien.

Le récit lève le voile sur l'émancipation progressive des femmes, de certaines en tout cas, à travers le personnage de Blanche, à la veille des années 1960. En effet, dans ses différentes relations, c'est bien souvent Blanche qui mène la danse, inversant le traditionnel rapport de force, Blanche qui reste fixée sur ce qu'elle veut, sur ses aspirations, quand bien même paraîtraient-elles démesurées et inadaptées, à l'époque, pour une femme.

Et, bien entendu, autour d'elle se dresse un univers poétique par le biais du thème du cosmique, que l'auteur décrit avec élégance et précision. Le thème même du Luna-Park, ce monde fait à la mesure de Blanche et qu'elle peuple de ses rêveries mêlées d'ambitions, exprime toute la poésie qui habille le récit. Une jolie lecture ! 

Pour vous si...
  • Vous adorez fouiller dans les affaires des autres. 
  • Vous vous demandez bien ce que le nylon vient faire dans cette histoire.

Morceaux choisis

"Justin se renversa dans le fauteuil. Il n'avait plus le sentiment de culpabilité à fouiller une intimité qui ne lui était pas destinée. C'est qu'il en avait maintenant le respect. C'est une chose que de coucher avec la femme de votre meilleur ami en aimant cette femme par-dessus tout, ou de coucher avec elle juste parce qu'elle s'est trouvée là, humiliant ce que votre meilleur ami a de plus cher... Question de respect. Pauvre Blanche qui ne voulait plus rien faire dans la vie, parce qu'elle ne pouvait pas voler, qui allait écouter les astronautes pour rêver de leur réalité fantastique, d'un Luna-Park lunaire. Pauvre Blanche qui voulait aller dans la lune."

"Les forces surnaturelles de l'art. On verra, on verra. Puisque déjà on est sur le point de partir pour la lune et que le monde n'esst plus qu'un Luna-Park dans l'espace infini, avec les carrousels des planètes, les tirs des comètes, les étoiles qui se téléscopent, les montagnes russes des montées et descentes vertigineuses... Les attractions ! L'attraction d'un seul être humain plus forte que la somme des forces cosmiques, une force qui continue à exister après la mort, qui peuple le néant."

Note finale
3/5
(cool)

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