vendredi 23 mars 2018

Richie, Raphaëlle Bacqué

Richie m'a été prêté par Nombre Premier il y a un petit moment, et allez savoir, j'ai eu une envie de me plonger dans les arcanes du pouvoir comme d'autres ont des envies de fraise. J'imagine que je ne pouvais rien pondre d'autre qu'une chronique, avec ce genre d'envies. 


Libres pensées...

Le livre retrace le parcours de Richard Descoings, et en particulier la période durant laquelle il a été à la tête de Science Po, avant sa disparition brutale en 2012.

Raphaëlle Bacqué débute son récit par l'entrée de Richard Descoings à l'ENA, en 1983, après avoir déjà passé deux fois le concours d'entrée sans succès. Dans sa promotion, il est une figure terne, nul ne se souviendra vraiment de lui, il est effacé, et se hisse néanmoins à la dixième place à l'issue de la formation.
Son ascension est fulgurante, il est nommé à la tête de Science Po Paris alors qu'il n'a pas quarante ans, et va dépoussiérer l'image de la maison, la mettre sur le devant de la scène dans la presse, nouer de nouveaux partenariats à l'international, et établir un règne et un culte de sa personnalité au sein de l'établissement, avec le concours de son épouse Nadia Marik.

Richie est un récit à la fois fascinant et dérangeant.
Fascinant en ce que l'écriture de Raphaëlle Bacqué nous pousse à nous prendre au jeu - dans la première partie du roman, en effet, Richard Descoings apparaît comme un homme multiple, ayant un visage le jour et un autre la nuit, lorsqu'il égrenne les bars parisiens, un homme libre dans un milieu austère et traditionnel, prompt à exclure ceux qui ne se fondent pas dans le moule.
Mais aussi, dérangeant, lorsque le récit révèle le règne de la terreur qu'instaure Richard Descoings lorsqu'il devient directeur de Science Po, nourrissant des relations ambigues avec des élèves, faisant jouer la compétition et la délation entre les enseignants, établissant peu à peu une sorte de cours autour de lui, où se trouvent des courtisans, des bouffons, des ennemis qui ne font pas long feu. Tout cela est glaçant, tout comme la façon dont "Richie" joue de la presse, construit son propre marketing et celui de sa maison, tire les ficelles du pouvoir, par exemple pour maintenir à son poste son épouse au mépris de l'évident conflit d'intérêt et des témoignages nombreux révélant son comportement malfaisant...

Je garderai donc de Richie l'enseignement - déjà constaté par ailleurs - qu'un poste de pouvoir garantit souvent une marge de manoeuvre que n'ont pas les moins nantis, une impunité en premier lieu, la possibilité de nuire à grande échelle sans qu'aucun garde-fou n'empêche cela, et qu'un tel poste révèle à la fois la grandeur et la noirceur d'un homme. 

Pour vous si...
  • Vous avez malheureusement manqué la sortie cinéma
  • Vous vous demandez pourquoi la fin des grands hommes français a toujours lieu à New York

Morceaux choisis

"Fureur du roi Richard ! Il veut bien être traité de despote mais il se revendique des despotes éclairés. Ne travaille-t-il pas chaque jour, de sept heures quarante-cinq à vingt-et-une heures, pour maintenir cette école au plus haut niveau ?
De fait, la plupart de ceux qui souffrent sous sa férule doivent bien reconnaître que jamais ils n'ont été aussi fiers d'appartenir à Sciences Po. A l'extérieur, l'image de l'institut s'est transformée. Le niveau des étudiants s'est accru. Jamais on n'a connu un tel bouillonnement intellectuel, une telle diversité des formations. Mais ils s'inquiètent de voir ce couple enivré par sa toute-puissance. Et s'il était en train de détruire son oeuvre ?"

Note finale
3/5
(cool)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire